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Le temps de l’engagement

Les pays européens insistent beaucoup, depuis des semaines, sur l’importance de refinancer la défense européenne face à ce qu’il convient désormais d’appeler la «menace russe». Il est beaucoup question d’équipements, de secteurs industriels à remettre en ordre de marche pour devenir plus productif, de l’importance de la souveraineté du continent en matière d’armement. Mais il y a un autre aspect qui est bien moins évoqué. Est-ce par pudeur, par crainte d’effrayer les populations? Il s’agit de l’investissement humain pour renforcer cette défense européenne. On parle d’augmenter les effectifs de l’armée, de miser sur les réservistes, sur des engagés volontaires. Prenons le pire des scénarios : si la Russie ou un autre pays décidait d’attaquer les pays européens, de menacer directement leurs frontières, peut-on imaginer que seule une petite partie de la population sera mobilisée pour aller défendre notre continent ? Les autres feront quoi ? Ils regarderont en espérant une victoire ? En cas de conflit majeur, d’une intensité maximale, c’est une très large partie de la population qui risque d’être engagée dans ce combat, à l’avant comme à l’arrière. Nos générations l’ont complètement oublié. Ou font comme si cela n’avait jamais existé.

Durant la guerre froide, le service militaire était obligatoire dans bon nombre de pays. L’Europe avait depuis des siècles une addiction aux guerres et les deux derniers affrontements mondiaux en annonçaient un troisième contre le pacte de Varsovie. Puis le rideau de fer est tombé. Tout aussi brutalement qu’il s’était levé. La quasi-totalité des pays d’Europe occidentale a abandonné l’idée du service militaire dans les années 90. Le système était trop coûteux, désormais incompris par la population. La menace s’était envolée, l’heure était à la paix pour toujours. À l’Est, les pays ont également décidé de ne plus envoyer sous les drapeaux les jeunes générations pour 10, 12 mois ou plus. Le temps de l’insouciance s’est fracassé en ce début de XXIe siècle après l’invasion russe de l’Ukraine et les hésitations de l’allié américain. Malheureusement, la défense de notre continent sera l’affaire de tous et non de quelques-uns.