Bien malin celui qui saura dire de quel gouvernement accoucheront les élections italiennes de dimanche. Aucun parti ne dispose d’une majorité assez nette pour prétendre au pouvoir et le jeu des alliances à venir promet d’être des plus complexes. Quoi qu’il en soit, le résultat est désastreux en ce qu’il reflète : la percée de partis d’extrême droite, anti-migrants et europhobes. À eux seuls, le Mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord ont rassemblé plus de 50% des suffrages. Tout dans la conjoncture actuelle concourait à leur victoire : des inégalités insupportables, une économie atone alors qu’elle redémarre partout ailleurs, la crise des migrants et une gauche qui a perdu son électorat à force de libéraliser l’économie.
Face à ce résultat, l’Europe se désole et dénonce le populisme des europhobes. Mais l’échappatoire facile que constitue «Bruxelles» pour nombre de politiques dans la justification de leurs échecs ou leur absence d’imagination ne doit pas masquer la responsabilité réelle de l’UE.
Près de deux ans après le vote du Brexit, tout semble se dérouler comme si le vote des Britanniques n’avait été qu’un accident électoral dont il convient de ne tirer aucune leçon. Pour l’Italie, l’UE est devenue double synonyme d’appauvrissement et d’absence de solidarité. Deuxième pays le plus endetté de l’UE, elle est sous la pression de Bruxelles qui lui enjoint de tailler dans les dépenses sociales, de privatiser les entreprises publiques et de se garder de relancer l’économie par la dépense publique. Cette politique en faveur des créanciers, ce sont d’abord les plus modestes et les classes moyennes qui en font les frais.
Depuis plus de dix ans, la péninsule est aussi en première ligne dans la crise migratoire en raison de sa position géographique. L’UE assure un service minimum, laissant Rome gérer l’afflux massif de migrants. L’hypocrisie domine, chacun laissant penser que c’est là le seul problème des Italiens, alors que l’écrasante majorité des candidats à l’immigration ne veut pas s’établir en Italie.
Il n’y a aucune surprise à voir les Italiens exprimer leur rejet d’une UE dont ils sont pourtant un membre fondateur. Le scénario était écrit à l’avance et sera validé partout ailleurs tant que l’Europe sera ce symbole du chacun pour soi et de la défense des intérêts de quelques-uns.
Fabien Grasser