L’exploit technologique réussi mercredi par les Suisses avec l’inauguration du tunnel du Saint-Gothard, doit rapidement dépasser le stade de l’anecdotique. Car la Confédération helvétique a investi dans ce projet autre chose que 11 milliards d’euros.
Ce trou béant de 57 kilomètres dans les Alpes doit servir de modèle à une autre voie de développement pour l’Europe, à l’heure où chaque État se débat dans les promesses du sommet de Paris pour le climat. Car en créant une liaison directe ferroviaire entre Rotterdam, Amsterdam, Zeebruges et Gênes, en reliant mer du Nord et Méditerranée, la Suisse s’attaque au monopole du transport routier.
Le ferroutage est une promesse vieille de trente ans qui n’a jamais vraiment pris forme. Il doit pourtant se substituer petit à petit au transport routier, qui transforme les autoroutes en usines à CO 2 , à force de poids lourds calés sur la voie de droite.
En créant un pont dans les Alpes, la Suisse propose une solution crédible à l’inversion du paradigme du transport de masse. Si on y ajoute les efforts de certains pays, comme ceux du Luxembourg, en matière de logistique, avec le développement du multimodal, les choses avancent. Pas assez vite, c’est une certitude, mais l’espoir est permis.
Reste un point d’interrogation, de ceux qui pèsent toujours lourd dans le débat. L’Europe a-t-elle la volonté de s’attaquer au modèle du tout-routier, celui-là même qui assure des milliers d’emplois dans les sociétés de transport mais aussi chez les constructeurs de camions? Il suffit de voir les élus de l’Union incapables de trancher, mercredi, sur le sujet du glyphosate pour comprendre que le changement de modèle est problématique.
Non que l’on doute de la bonne volonté de nos représentants face aux lobbies de tous bords, de leur volonté de progrès social, économique et environnemental. Le Saint-Gothard sera forcément un bond en avant, il suffit de s’en persuader. Reste que la Suisse ne fait pas partie de l’Union européenne. Mais c’est un autre sujet.
Christophe Chohin