Le retour du passeport

Mercredi, la Commission européenne a posé les jalons d’un passeport vaccinal afin de faciliter les mouvements de personnes entre les pays de l’Union et au-delà. Le sujet est tabou pour beaucoup de pays du continent qui estiment à juste titre que ces nouveaux papiers créeront deux classes de citoyens : les vaccinés et tous les autres. Les débats s’annoncent très animés entre les pays de l’Union autour de ce sujet éminemment sensible. En effet, ce document pourrait être imaginable à la condition que tous les Européens aient accès de manière égale au vaccin. Et pour l’instant, nous sommes loin du compte.

Personnels soignants, populations à risque, priorité selon l’âge… les précieuses doses sont pour l’instant distribuées selon un cadre strict, même si quelques-uns ont pu contourner les règles. Avec les retards de livraison et les délais d’attente pour se faire vacciner avec la seconde dose, tous les Européens ne seront pas vaccinés pour le mois de juin, loin de là. Ce ne sont pas non plus les nouveaux vaccins autorisés sur le marché qui vont nous permettre de rattraper ce retard.

Finalement, selon les plans de la Commission européenne, seuls ceux qui auront le précieux sésame pourront s’envoler loin de leur pays pour profiter des vacances. Les autres pourront aussi tenter de passer les frontières, mais devraient subir quarantaine ou tests à répétition avant de poser un orteil sur le sable d’une plage au bord de la Méditerranée ou de faire des randonnées sur des sentiers sinueux dans le Péloponnèse. Cela va créer de la frustration. Encore.

Il y a un autre risque : que les pays ne jurent plus que par ce passeport vaccinal pour autoriser l’accès à leur territoire. On a connu mieux au sein de l’Union européenne concernant la libre circulation… C’est le retour du passeport alors que durant des décennies tous les pays membres se sont battus pour faire du continent une zone de liberté où l’on pouvait voyager sans contraintes et sans contrôles. Les douaniers vont reprendre du service et devraient réciter dans les aéroports et au bord des routes la formule que nous avions tous oubliée ou presque : «papiers s’il vous plaît». L’Europe va encore faire un sacré bond en arrière.

Laurent Duraisin