L’Allemagne, dont une partie de l’identité repose depuis 1945 sur la lutte contre le nazisme et le devoir de mémoire, voit surgir de nouveau les spectres de la république de Weimar et le cauchemar des années trente qui préfiguraient les affres de la Seconde Guerre mondiale. L’onde de choc a secoué toute la scène politique allemande. «Impardonnable», s’est exclamée la chancelière Angela Merkel. Tout ça pour éviter une coalition «rouge, rouge, verte» (Die Linke, SPD, Die Grünen) emmenée par Bodo Ramelow dont le parti Die Linke, la gauche radicale, fait historiquement suite au SED de la RDA.
Le spectacle affligeant des jeux de rôle politiques est la conséquence dramatique d’un résultat dans les urnes qui donne 31 % à Die Linke et 23,4 % à l’AfD, les deux partis aux extrêmes opposés remportent donc ensemble 54,4 % des suffrages contre 21,7 % aux chrétiens-démocrates de la CDU et 8,2 % aux socialistes du SPD, qui cumulent ainsi 29,9 % des votes. Il restait quelques miettes pour les Verts (5,2 %) et les libéraux (5 %). De fait : les partis situés entre les extrêmes sont en minorité et les extrémistes représentent démocratiquement la majorité absolue.
Ces chiffres montrent que l’enjeu démocratique va beaucoup plus loin que de se montrer affligé par une montée de l’extrême droite. Au vu des évolutions politiques de ces dernières années en Allemagne, mais aussi en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Italie et même au Luxembourg… le retour des totalitarismes s’annonce par une société qui ne s’exprime plus que par ses extrêmes.
La thèse du vote protestataire ne tient plus. Quand l’engagement citoyen se borne au dépôt d’un bulletin de vote censé régler les tracas de la vie quotidienne, il s’affranchit de son rôle essentiel : s’impliquer dans la vie de sa société et agir au service de sa collectivité en portant les valeurs d’une république démocratique. C’est là que guette le totalitarisme, et ses attrape-nigauds, c’est ici qu’il est en train de remporter la bataille, et c’est maintenant.
Chris Mathieu