Si on vous demande de vous présenter, en un mot, que répondez-vous?
Pour Enrico Letta, l’ancien président du Conseil des ministres d’Italie, la réponse coule de source : «Je dis que je suis italien», clame-t-il avec ferveur.
Mais, poursuit-il, «ce n’est pas suffisant. Il faudrait que je dise aussi que je suis toscan, ce qui est beaucoup mieux qu’être lombard ou sicilien», sourit-il.
Mais si on lui dit : «Ah, la Toscane, que c’est beau Florence», il rétorque «attention, je viens de Pise!», souriant de plus belle… «Mais j’ajoute aussi, et c’est fondamental, que je suis européen.»
Les Européens. Ce peuple insaisissable, dont la définition vous coule entre les doigts sitôt que la question des identités s’en mêle. L’europhile Enrico Letta, récemment invité à Luxembourg, l’admet volontiers : «L’Europe n’est pas un État, c’est une identité multiple.»
Sommes-nous luxembourgeois, français, italien, portugais, etc., avant d’être européen? La réponse est certainement oui. Et c’est bien naturel. Car les pays européens sont indépendants depuis de trop longs siècles pour qu’il soit si aisé, ou avisé, de glisser leurs traditions et différences sous le tapis européen. Non, ce n’est pas demain la veille que l’hymne de l’Union européenne (UE) sera le fameux «Imagine there’s no countries» de John Lennon…
«Espérons qu’un jour, tous les Européens se sentiront chez eux n’importe où sur ce vaste Vieux Continent, comme ils se sentent chez eux dans leur pays natal», rêvait Winston Churchill en 1948. Soixante-dix ans plus tard, serait-il satisfait? On peut imaginer une réponse de Normand : oui et non.
Oui, car tout Européen qui voyage se voit forcément rappeler, lorsqu’il est en Amérique, en Asie, en Afrique ou chez un voisin européen, pourquoi ses valeurs, ses droits, son histoire, font de lui un Européen.
Mais celui qui, au sortir de la guerre, décrivait l’Europe comme une «terre pestilentielle et haineuse», ne pourrait s’empêcher de renifler la puanteur des populistes qui tournoient dans le ciel européen. Des vautours qui appellent à la ruine d’un projet sans précédent depuis l’Empire romain. Un projet visionnaire qui rassemble, tant bien que mal, un continent qui paraissait voué à la guerre.
Romain Van Dyck