«Hyper-malin, personne n’ira manifester pour les chômeurs.» Dans le flot des commentaires qui défilent sur les réseaux sociaux, celui-ci est particulièrement à propos. Effectivement, qui se mobilisera pour ceux perçus comme un fardeau de la société? Non content de son coup de force l’an dernier sur les retraites, lesquelles entretiennent ces encombrants vieux payés à ne plus rien faire, le gouvernement français s’attaque à présent aux «fainéants qui coûtent un pognon de dingue», comme dirait l’autre. Son clone, qui n’a jamais sué sang et eau de son existence, ne dit pas autre chose. En voulant, une fois encore, réformer l’assurance-chômage, les moins éclairés de la patrie des Lumières sur la question envoient un message on ne peut plus clair : c’est marche ou crève.
L’argument est répété en boucle, au travers d’éléments de langage bien rodés : il faut encourager le plein-emploi. Peu importe la précarité associée à l’idée. Les petites gens n’ont qu’à se complaire dans un boulot misérable qui les use chaque jour et les tue à petit feu. Parce qu’il est autrement plus important de flatter les agences de notation, qui menacent de rétrograder le pays et sa posture d’économie modèle. Et ça, ça fait mauvaise publicité sur la scène internationale, à quelques mois des Jeux olympiques de Paris.
En étouffant toute éventuelle contestation sociale, attisée par le vent de la colère prêt à se (re)lever, les fossoyeurs de la dignité humaine se donnent de l’air. Quitte à enterrer l’aspiration de chacun à vivre décemment d’un labeur un minimum enrichissant.
Tous ces «fainéants» ne touchent pas d’allocation pour autant. Ce sont les services de l’État eux-mêmes qui en quantifient la part éligible : «Fin juin 2023, le nombre de personnes indemnisables représente 69,9 % des personnes inscrites à France Travail en catégories A, B, C. Parmi celles-ci, 69,4 % sont indemnisées», selon un document consultable sur le site statistiques.pole-emploi.org. Et parmi celles-ci, très peu se réjouissent de leur situation, commandée par des aléas de la vie ou par une déroute professionnelle. Le mythe du chômage qui rend si heureux, il n’y a guère que ceux qui n’en connaissent strictement rien pour le croire réel.
Alexandra Parachini