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Le mot magique

Deux réformes d’inspiration libérale, notamment de la législation sur le travail, et deux réactions similaires en Belgique et en France, il est vrai un peu plus virulente dans l’Hexagone où la culture du consensus est beaucoup moins – voire pas du tout – ancrée. Dans les deux cas, une mobilisation importante des citoyens contre ces projets.

Il existe deux façons de voir les choses. D’un côté, l’argument est de dire que les manifestants sont des réactionnaires qui s’accrochent au passé, qu’ils vont à l’encontre d’une «modernisation» de l’économie inéluctable, qu’ils sont réticents à toute réforme. De l’autre côté, on met en avant la défense d’avancées sociales acquises de haute lutte depuis plus d’un siècle, la lutte contre la précarisation généralisée des travailleurs.

Ce qui est certain, c’est que l’opposition à ce type de réformes est tout sauf une surprise. Qui a envie de devoir travailler plus longtemps ? Qui a envie d’être licencié plus facilement ? Qui a envie de voir ses heures supplémentaires moins bien payées ? Et surtout, quels parents souhaitent que leurs enfants bénéficient de moins bonnes conditions de travail qu’eux ?

Aujourd’hui en Belgique et en France, dès qu’un responsable gouvernemental (de droite à Bruxelles, de gauche à Paris) prononce le mot «réforme», le citoyen entend à raison «régression». Désormais, il serait ainsi impossible de réaliser des réformes économiques qui profiteraient aux salariés.

Vous comprenez, il faut restaurer la «compétitivité» – le fameux mot magique – de l’économie nationale. Mais être compétitif par rapport à qui ? Par rapport aux Chinois, aux Indiens, aux Bangladais ? Il aurait peut-être été préférable de ne pas lever toutes les protections douanières qui empêchaient des salariés sous-payés d’entrer en concurrence avec des salariés de pays industrialisés. Par rapport aux autres pays européens ?

Mais si tous les pays font ce type de réformes en même temps, alors l’avantage compétitif devient nul. Si les réformes du marché du travail des années 2000 sous Gerhard Schröder ont profité à l’Allemagne, c’est parce que les autres pays autour n’ont pas fait de même.

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)