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Le monde en otage

Il est tentant de regarder d’un œil moqueur les élucubrations régulières de Kim Jong-un. Parce que le personnage paraît caricatural, sinon grotesque. Comme les acclamations à peine exagérées du peuple nord-coréen à chaque intervention du dictateur. Lui-même feint une comédie ridicule lorsqu’il verse des larmes de crocodile en parlant du déclin démographique qui frappe son pays.

Mais il n’y a franchement pas de quoi se tordre quand les mots portent sur l’affrontement territorial qui déchire Pyongyang et Séoul. Quand le Nord jure quasi quotidiennement d’anéantir le Sud et que celui-ci promet de riposter «au centuple». Si l’un montre pour de bon les muscles, l’autre ne restera pas les bras croisés. Kim Jong-un exhibe trop souvent son arsenal militaire pour ne pas finir par en faire usage. Et son homologue, Yoon Suk-yeol, ne peut pas se vanter de capacités de réponse «écrasantes» sans en apporter la preuve. Le fragile armistice décrété il y a un peu plus de 70 ans ne tient plus. La rancœur, plus tenace que jamais, efface les dernières chances de réunification longtemps espérée dans les deux camps. Les institutions dédiées à cette mission viennent d’être dissoutes, des changements constitutionnels en cours permettront également au Nord d’occuper le Sud dès lors qu’une invasion terrestre sera engagée. Sachant que les frères ennemis revendiquent la souveraineté sur l’intégralité de la péninsule.

Le conflit régional ouvrirait alors un nouveau front entre les grands rivaux américains et russes, aux relations diplomatiques déjà glaciales. Aucun ne laissera en effet passer cette belle occasion de rejouer un énième acte de l’éternelle guerre froide. Washington et Moscou retiendront, une fois de plus, le reste du monde en otage. Et personne, en Europe ou ailleurs, n’est en mesure de se poser en juge de paix. Ni même n’en montre la volonté. À moins que Donald Trump revienne au pouvoir… Sauf que l’ancien président ne cache pas son admiration pour les autocrates. Au contraire, ils sont une source de son inspiration. Des modèles à suivre pour rétablir l’ordre au sein d’une nation divisée. Là non plus, il n’y a pas matière à rigolade. Il est temps de prendre la menace au sérieux.

Alexandra Parachini