Depuis le cinglant refus du Parlement de Wallonie de parapher le traité de libre-échange avec le Canada (CETA), la semaine dernière, l’Europe découvre les limites du secret et de la pensée unique. Réunis hier à Luxembourg, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne affirment que tout va pour le mieux et que le traité sera signé. Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, est confiante en la capacité des membres de l’UE à passer outre, ou à convaincre, ce Parlement réfractaire. Car après tout, ce ne sont pas les Wallons qui vont trancher. Tout avait même été mis en place pour éviter qu’on leur pose la question, à eux et aux autres. Sauf que ne pas interroger les Parlements sur le CETA ne les empêche pas de donner leur avis, quand bien même une partie du texte n’est pas ouverte au public, quand bien même ce qui est accessible n’est pas compréhensible pour le commun des mortels.
Et l’Europe de s’étonner de la méfiance ambiante, de la mauvaise volonté des uns quand les autres font tant d’efforts pour améliorer la vie de tous. Comme si la confiscation du débat était une marque de confiance ou une garantie citoyenne. C’est pourtant ce qui s’est passé avec le TTIP, c’est ce qui se produit avec le CETA : le secret ne saurait être garant de la démocratie.
Le bât blesse sur ce point, dans ce monde du silence où des négociateurs décident en coulisses, sans que jamais rien ne transpire des murs. Le CETA est peut-être une belle opportunité, après tout, mais qui le sait vraiment, qui sera mieux préparé que les multinationales et leurs armées de juristes pour profiter des nouveaux marchés qu’il promet? Qui aura les moyens de faire respecter son bon droit dans un environnement certes plus ouvert, mais aussi beaucoup plus concurrentiel?
Dans une Europe qui évolue, dans le meilleur des cas, à deux vitesses, comment croire que le texte du CETA offrira les mêmes opportunités à tous, aux artisans roumains comme aux groupes allemands? Le secret qui l’entoure ne saurait rassurer les citoyens européens.
Christophe Chohin (cchohin@lequotidien/lu)