Un pays, ce ne sont pas que des comptes ou des mécomptes. Depuis huit ans, la Grèce n’est plus vue qu’à travers la lorgnette de la crise financière. Aussi, l’accord trouvé jeudi à Luxembourg pour lever en grande partie la tutelle du FMI et de l’UE sur le pays est-il une bonne nouvelle pour le peuple grec. Ces institutions lui ont chèrement fait payer l’incurie et la corruption de ses gouvernants passés et des responsables européens, dont l’obstination à asphyxier les Grecs tranchait avec leur mansuétude vis-à-vis des banques qui ont mis le pays à genou.
La dette reste certes la plus élevée de la zone euro et Berlin a fait le forcing pour que l’UE continue à imposer des réformes néolibérales au pays. Cet acharnement contre un gouvernement de gauche en dit long sur l’inclinaison des dirigeants européens quand ils annoncent dans le même temps ne pas vouloir accabler le pouvoir d’extrême droite, viscéralement anti-européen, qui s’impose en Italie.
Mais un pays, ce ne sont pas que des équilibres financiers. C’est aussi une géographie, un passé, une culture et en ces domaines, nul besoin de rappeler la richesse de l’héritage hellène. En mars dernier, les tensions avec la Turquie étaient à leur comble, Ankara multipliait menaces territoriales et capturait des soldats grecs. Comment Athènes allait-elle réagir ? Au cours d’un échange avec Le Quotidien, l’ambassadeur de Grèce au Luxembourg répétait alors inlassablement le message de son gouvernement : «Nous cherchons une issue pacifique.»
Il y a quelques jours, la Grèce signait un accord avec l’ex-république yougoslave de Macédoine sur le nom de ce pays que les nationalistes de part et d’autre se disputent. Ce n’est pas la moindre des choses pour Alexis Tsipras d’avoir trouvé une issue apaisée à ce différend, à l’heure où les nationalismes rongent l’Europe. À la croisée de l’Occident et de l’Orient, membre de l’UE et occupant une place centrale dans le monde orthodoxe, la Grèce veut user de cette position pour jouer un rôle pacificateur. Dans un monde livré au bellicisme des Trump, Poutine ou Kim, ce message de paix est aussi rare que précieux. Il faut l’entendre et le soutenir.
Fabien Grasser