Il a 81 ans, son sourire est figé par les liftings, il n’a aucune chance de gouverner, mais il fait campagne. En quelques semaines, Silvio Berlusconi a hissé la droite italienne en tête des sondages pour les législatives du 4 mars, fédérant son parti Forza Italia, les souverainistes de la Ligue du Nord et la formation d’extrême droite Frères d’Italie.
Berlusconi est à la fois le porte-étendard et le tireur de ficelles. Condamné pour corruption et fraude fiscale, il est inéligible jusqu’en 2019 et ne pourra en aucun cas gouverner, du moins pas tout de suite.
Pour ces élections marquées par un nouveau mode de scrutin et à l’issue très incertaine, le Cavaliere mise sur une recette éprouvée : il rase gratis, promettant baisse démesurée des impôts et hausse inespérée des pensions. Bien moins étincelant qu’il y a 20 ans, le Berlusconi de 2018 se montre plus hâbleur et décomplexé que jamais sur l’immigration.
La question confisque le débat politique et prend un tour tragique depuis qu’un fasciste a tiré sur des immigrés au centre du pays. La bataille des chiffres portant moins sur le chômage que sur les migrants, Berlusconi grossit le nombre d’illégaux qu’il appelle «criminels» ou «bombe sociale».
La Ligue du Nord le rejoint, mais son bouc émissaire favori est l’Union européenne et sa monnaie unique qu’elle menace de quitter. Ce cocktail de surenchères a fini par éclipser le pourtant très démagogique Mouvement 5 étoiles.
Peu importe que les mesures annoncées ne voient jamais le jour ou qu’elles soient d’une quelconque efficacité, le bonimenteur Berlusconi séduit encore. Il rassure une Italie boudée par la reprise économique, une Italie qui ne repart pas.
L’on voit déjà, au lendemain du scrutin, les Européens lever les yeux au ciel, scandalisés par une nouvelle victoire «populiste». Parleront-ils seulement de l’austérité qu’ils imposent à un pays auquel ils demandent par ailleurs de porter seul le fardeau que représente l’accueil de centaines de milliers de migrants qui font de la péninsule leur porte d’entrée dans l’UE?
Pour les Européens, Berlusconi sera le masque parfait derrière lequel dissimuler leur responsabilité et définitive incapacité à retenir la leçon du Brexit.
Fabien Grasser