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Le mal est fait

La nuit porte parfois d’étranges conseils. À quoi pouvait bien penser Emmanuel Macron lorsque, entre vendredi et samedi, il a promulgué sa loi sur la réforme des retraites ? Dont quasiment personne ne veut en France, imposée au forceps au Parlement. Un peu plus tôt, sans surprise, le Conseil constitutionnel en a validé l’essentiel des mesures, dont l’insoutenable report de l’âge légal de départ à 64 ans. Le président, qui se revendique «maître des horloges», a quand même mal choisi son heure. Il avait deux semaines pour entériner la décision. Il aurait au moins pu faire semblant…

Au réveil, sonnées, les oppositions n’ont pas tardé à commenter l’empressement du chef de l’État. Parmi les réactions indignées, celle du député insoumis François Ruffin résume le sentiment général. «Comme des voleurs, Emmanuel Macron et sa bande ont promulgué leur loi sur les retraites en pleine nuit. Parce qu’ils le savent bien : ce qu’ils viennent de pratiquer, c’est un hold-up démocratique.» Cette notion de braquage n’exprime rien d’autre que le «mépris» et la «provocation» d’un homme qui semble se plaire à gouverner contre son peuple. L’orgueil, aussi, de celui qui concentre les colères depuis sa première élection. Dont la personne même pousse toutes les semaines, sinon presque chaque jour spontanément, des centaines de milliers de citoyens dans la rue.

On le dit isolé, du fait du fonctionnement inhérent aux institutions de la Ve République. Sauf qu’à ce niveau de responsabilités, le patron est toujours entouré d’une armée de communicants. Aucun n’ose lui dire les choses en face, rapportent les observateurs bien informés. De toute façon, lâchent-ils, il n’écoute pas. Comme il fait la sourde oreille au cri de révolte du mouvement social, brutalement contraint au silence dans tout le pays. Au point d’inquiéter aux sommets de l’Europe. Ça non plus, il n’entend pas. En même temps… Au moment de quitter le pouvoir en 2027, Emmanuel Macron profitera, lui, d’une retraite plus que confortable. À pas encore 50 ans… Qu’il explique cela à ceux qui triment, qui souffrent, qui se tuent à la tâche. Pour une misère.

En attendant, il a prévu une allocution télévisée ce soir. À quoi bon? «Dans une logique d’apaisement», argue le gouvernement. Raté. Le mal est déjà fait.

Alexandra Parachini