C’est un discours d’une rare densité et d’un optimisme appuyé qu’a livré, mercredi, Jean-Claude Juncker devant le Parlement européen à Strasbourg. De quoi raviver la flamme chez ceux qui doutent. Pendant une heure, le président de la Commission s’est posé en capitaine résolu du navire Europe, fixant un cap ambitieux, filant la métaphore maritime avec les «vents favorables» de la reprise économique, les «voiles à hisser», les «amarres à larguer» pour voguer vers des eaux enfin moins tempétueuses.
Juncker en a tant dit que l’on ne sait pas trop quel ordre d’importance il convient d’accorder à ses annonces : nomination d’un ministre européen des Finances, établissement d’un socle social commun, transparence sur les accords de libre-échange, fusion de son poste avec celui de président du Conseil pour doter l’UE d’un seul visage, etc. Du concret donc, mais aussi un rappel aux principes fondamentaux de l’UE : la liberté, l’égalité et l’État de droit. Sans les citer, il a fustigé Hongrois et Polonais pour les largesses qu’ils prennent avec ces valeurs. Il a averti la Turquie qu’en l’état actuel, son adhésion à l’UE est exclue. Pour les bons points, il a chaleureusement salué l’Italie, qui «sauve l’honneur de l’Europe» dans la crise des réfugiés.
De cette parole magnifiée aux actes, il y a cependant un vaste océan à franchir et tout ne se trouve pas entre les seuls mains du Luxembourgeois. Aux chefs d’État ou de gouvernement de l’UE à saisir la barre, nombre de ces réformes importantes requérant leur accord unanime. De son côté, le président de la Commission devra s’atteler à la réforme de l’immense appareil bureaucratique dont il a la charge car il est trop souvent perçu par les citoyens comme le docile serviteur d’intérêts financiers particuliers. Cela a encore été le cas cet été sur la question des perturbateurs endocriniens.
Le discours délivré par Juncker était à la hauteur des enjeux vitaux se posant à l’Union européenne. À condition cependant que cela ne soit pas juste du vent, un catalogue de louables promesses sans lendemain, juste pour se ménager un répit dans la tempête.
Fabien Grasser