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Le Luxembourg moisi

Le Luxembourg moisi a toujours détesté, pêle-mêle, les Portugais, les frontaliers, les juifs, les homosexuels, les femmes trop indépendantes et, finalement, la liberté sous toutes ses formes. Rien ne nous permet d’affirmer que Marguerite Biermann fait partie de ce Luxembourg-là ou qu’elle déteste l’une de ces catégories de gens, en l’occurrence les juifs. En 2010, le tribunal de première instance l’avait condamnée à une amende de 1 000 euros pour injures et à verser l’euro symbolique au Consistoire israélite de Luxembourg.

La Cour d’appel l’avait acquittée. C’est donc en toute tranquillité d’âme que l’ex-juge blanchie peut recycler, en les citant, ses propos de l’époque dans un droit de réponse paru dans le Wort du 9 juin. Réagissant à un article dans lequel «l’affaire Biermann» est décrite comme un exemple typique de «confusion entre les termes « juif » et « Israël »» contribuant au développement de l’antisémitisme, la concernée reproduit un extrait de sa «Carte blanche» diffusée sur RTL en 2009, un an après l’opération «Plomb durci» lancée par les forces armées israéliennes pour mettre un terme aux tirs de roquettes du Hamas depuis Gaza, et qui aura fait de 700 à 1 300 morts du côté palestinien et 13 morts du côté israélien.

Elle y exigeait des juifs luxembourgeois, «membres de la bourgeoisie bien située» de «désavouer» publiquement la politique israélienne et l’«immense puissance internationale des lobbies juifs», s’ils souhaitaient continuer à jouir de leur statut de «citoyens respectés» en tant que «descendants de victimes de la Shoah». Un peu comme si on demandait aux catholiques ou aux musulmans de se positionner sur l’Irlande du Nord ou l’islam radical. Et comme sous la menace à peine camouflée du flambeau du stéréotype, et sous le voile d’une bienveillance pervertie, offerte en échange du tribut de la peur. En récidivant, Marguerite Biermann veut «laisser aux lecteurs le soin de juger par eux-mêmes» si elle confondait juif et Israël en 2009, quand tout ce qui ressort de son article est son obstination à vouloir distinguer entre un nous et les autres, en l’occurrence les juifs luxembourgeois.

Frédéric Braun (fbraun@lequotidien.lu)