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Le féminisme rose bonbon

Le féminisme a changé de visage, cela n’aura échappé à personne en cette journée internationale des Droits des femmes. Avec le mouvement Me Too est apparu un mouvement plus jeune, plus moderne et qui ne se dit pas forcément féministe d’ailleurs, mais qui réclame le respect. Pendant longtemps, pour s’imposer dans la société, les femmes ont dû se montrer viriles, avoir un côté masculin et gommer leur féminité. Les femmes elles-mêmes avaient inconsciemment intégré cet impératif. Je parle au passé, mais chez les plus de 35 ans, c’est toujours le cas, et ce, dans tous les pans de la société. On entend souvent : «Je ne veux pas de rose pour ma fille, pas de poupées, c’est trop stigmatisant», mais jamais : «Pas de bleu pour mon garçon, pas de voitures».

Pas d’émotions dans le milieu de l’entreprise, c’est une caractéristique de faiblesse, de femme, alors que le courage est associé à la taille des bourses. De nombreuses femmes qui se revendiquent féministes sont les premières à dénigrer celles qui sont trop coquettes ou émotives. On peut aimer se maquiller et être crédible comme cheffe d’entreprise ou économiste. À l’inverse, bien sûr, le maquillage, l’épilation, les talons… doivent être des choix et non une injonction sociale. Le «girl power» allait peut-être dans ce sens. Même s’il est souvent revendiqué sur le ton de l’humour, il a le malheur d’opposer les genres et c’est bien dommage.

Ce nouveau mouvement Me Too nous a montré que nous faisions fausse route. Nous ne sommes pas féministes en cachant nos règles ou en serrant les dents quand on a mal à hurler au bas ventre sans oser le dire. Ce n’est pas un acte féministe de travailler jusqu’à la dernière minute de sa grossesse et de reprendre le travail dès que possible. On a le droit d’avoir une promotion la même année que son congé maternité ou parental, de se faire confier des responsabilités à son retour. On peut être féministe en assumant ses différences, en ne considérant pas que tout ce qui a attrait au féminin est superficiel. D’ailleurs, cela permet aux hommes de se libérer également de la contrainte qu’impose la société à la gent masculine et qui ne correspond pas à toutes les personnalités, loin de là. La nouvelle génération de femmes n’est pas forcément militante, mais elle exige d’avoir la même considération sans avoir à se calquer sur un modèle masculin.

Audrey Libiez