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Le cruel destin fiscal de Juncker

Cruel destin que celui du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, prié de défaire ce qu’avait fait en son temps le Premier ministre luxembourgeois Juncker Jean-Claude.

Dans le discours sur l’état de l’UE qu’il doit délivrer aujourd’hui aux eurodéputés, d’aucuns pensent qu’il expliquera la façon dont la Commission compte taxer plus efficacement les GAFA, acronyme de Google, Apple, Facebook et Amazon, mais définissant plus largement les géants américains de l’internet. Pour rappel, lorsque Juncker était ministre luxembourgeois des Finances, de 1989 à 2013, son administration avait organisé un vaste système d’évasion et de fraude fiscales dont les multinationales américaines de l’internet figuraient parmi les grands gagnants. Cela leur permettait de ne pas payer l’impôt dans les pays dans lesquels ils réalisaient effectivement leurs bénéfices.

L’affaire LuxLeaks étant passée par là, le Luxembourg a dû en rabattre. Bien que leur réaction fut timide, les «partenaires» européens du Grand-Duché, privés de milliards de recettes en période de vaches maigres, avaient moyennement apprécié. L’un des exemples les plus parlants était celui d’une filiale luxembourgeoise d’Amazon dont le taux effectif d’imposition était de 0,0125%. De quoi faire des jaloux parmi les concurrents.

De fait, c’est du monde de l’entreprise que la pression se fait désormais plus forte, les acteurs européens des nouvelles technologies exigeant que leurs homologues américains soient logés à la même enseigne fiscale qu’eux. Il en va de l’avenir du secteur dans l’UE car, disent-ils, cette différence de traitement place l’Europe sous souveraineté numérique américaine. À la différence des GAFA, les Européens consentent le plus souvent à l’impôt, conscients qu’il finance les infrastructures et le haut niveau de formation dont ils ont besoin.

En l’absence d’un projet industriel d’ensemble, une harmonisation fiscale dans l’UE ne suffira pas à faire des Européens l’égal des Américains dans ce secteur. Mais en finir avec cette distorsion fiscale de la concurrence sera déjà un bon préalable.

Fabien Grasser