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Le coupable idéal

À quelques mois des élections législatives, le débat sur les frontaliers et la langue française commence à ressurgir, alors que la question semblait close. Pire, on pensait même que tout le monde avait compris la nécessité pour un pays comme le Luxembourg de faire de sa spécificité transfrontalière une force et un modèle de vivre ensemble.

Mais c’était compter sur certaines voix politiques qui veulent remettre les frontaliers au cœur des problèmes quotidiens des résidents ayant le privilège de voter. Mobilité, sécurité, logement, emploi et sécurité sociale, en cherchant bien, les frontaliers ne sont jamais bien loin dans chacune de ces problématiques. En étant un peu de mauvaise foi, il faut bien trouver un coupable idéal et le frontalier semble avoir le profil parfait pour endosser ce costume.

Mieux encore, le frontalier n’en voudra même pas aux politiciens et aux voix le montrant du doigt, puisque le frontalier, ni même son compatriote résident, n’ont accès à l’urne et au bulletin de vote. Alors pourquoi se priver de ce coupable parfait et inoffensif ? Il y a une tentation à lui mettre tous les problèmes du pays sur le dos ou presque et à le faire passer pour une personne étant heureuse de profiter des salaires et de la sécurité sociale luxembourgeoise. Et qui sait, peut-être que l’opération permettra d’engranger les votes des personnes qui entendent d’une oreille réceptive ce raccourci. En désignant le frontalier comme cause possible des problèmes du pays, cela évite de s’attaquer au fond des problèmes.

De son côté, le frontalier exprime trop peu sa volonté à s’impliquer dans le paysage luxembourgeois. Mais en même temps, qui aurait envie de s’intégrer dans un pays qui commence à le regarder de travers ? Pourtant, dans les prochaines années, pour ne pas dire mois, le frontalier et le résident vont devoir se mettre autour d’une table pour trouver des solutions afin de ne pas voir le Luxembourg s’étouffer sous le poids de sa croissance démographique et économique. Car si le pays s’asphyxie, tant le frontalier que le résident seront responsables de la mort d’un pays et d’un modèle de prospérité.

Jeremy Zabatta