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Le bon, le lâche et les truands

Le soir du 13 janvier 2012, personne ne s’inquiète lorsque Francesco Schettino, qui commande le Costa Concordia , s’approche de l’île de Giglio pour effectuer l’«inchino» (la révérence). Cette manœuvre consiste à s’approcher au plus près des côtes. Est-ce interdit? Oui. Mais c’est la tradition, et puis ça flatte le commandant au beau costume blanc, qui se pavane dans son lumineux navire de croisière.

À 21  h  45, le Concordia heurte les rochers. Au lieu d’appeler les secours et de lancer l’évacuation, Schettino préfère attendre, et laisser le bateau s’échouer. Pour les 3  216 passagers et 1  013 membres d’équipage, c’est alors le sauve-qui-peut. Schettino, lui, a disparu des radars. Finalement, Gregorio De Falco, chef de la garde côtière de Livourne, joint le commandant. Il est sur une chaloupe. C’est l’un des premiers à avoir quitté le navire. L’échange est ahurissant. «Je suis en train de diriger (l’évacuation) en ce moment», ment Schettino. «Une centaine de personnes encore à bord et vous, vous abandonnez le navire? Remontez à bord, bordel», perd patience De Falco. «J’ai été projeté dans l’eau avec mes officiers.» Mensonge. Alors que des cadavres flottent autour de lui, le «capitaine couard» implore De Falco : «Commandant, je vous en prie…». «Pas de je vous en prie. Remontez à bord.» «Oui j’y suis. Je coordonne les secours.» En réalité, il se réfugie dans un hôtel…

Cinq ans après, Schettino est toujours libre. Il attend, chez lui, la décision de la Cour de cassation itialienne, qui a entamé hier une audience pour confirmer ou non la condamnation à 16  ans de prison prononcée en appel.

Absente du banc des accusés, la compagnie Costa Croisières s’en est tirée à bon compte, moyennant une pauvre indemnité proposée aux passagers, tandis que l’État italien tolère toujours l’inchino. Reste les familles des 32  victimes, qui ont pris perpétuité. Et les survivants, qui doivent vivre avec ce traumatisme ancré en eux. Et Gregorio de Falco? L’empêcheur de déserter en rond n’a pas été promu. Au contraire, il a été muté à un poste logistique. Peut-être que son attachement farouche au devoir maritime, qui contrastait avec la lâcheté abyssale de Schettino, a fait trop de vagues…

Romain Van Dyck