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L’art du compromis

Nous écrivions, en prévision de la tripartite, que «les compensations financières devront être (très) substantielles pour espérer dégager un compromis, mais aussi pour éviter que les ménages soient privés de chauffage en hiver». Le compromis conclu par l’État et les partenaires sociaux se chiffre à 1,1 milliard d’euros. L’effort financier de l’État a bien été indispensable pour amener les syndicats et le patronat à s’accorder sur un paquet anti-inflation venant succéder au paquet de solidarité ficelé lors de la tripartite de fin mars. 

Les deux paquets poursuivent certes le même objectif – atténuer l’impact de la guerre en Ukraine sur les ménages et l’économie luxembourgeoise –, mais présentent bien des différences. La balance de l’accord qui sera officiellement scellé cet après-midi penche cette fois en faveur du camp syndical. Au printemps encore, le patronat avait obtenu une prévisibilité sur trois ans en ce qui concerne les coûts salariaux. Il avait été acté qu’une seule tranche indiciaire allait être versée, à la fois en 2022, 2023 et 2024. Désormais confronté à la cascade d’index qui s’annonce en raison de l’inflation galopante, le gouvernement a décidé de changer son fusil d’épaule en misant sur un retour au fonctionnement intégral de l’index. Plus question de reports, mais avec comme bémol majeur, du moins pour les finances publiques, l’engagement de prendre en charge le coût d’un hypothétique troisième index en 2023 à verser par les entreprises.

La clé de la réussite de l’accord tripartite sera la réduction sensible de l’inflation. Le Statec estime que, grâce notamment au plafonnement des prix de l’énergie, celle-ci passera de 6,6 % à 2,6 %. L’imprévisibilité reste cependant importante. Il n’y a donc pas de raisons de jubiler, comme le fait remarquer le président de l’UEL, Michel Reckinger. Le camp syndical doit en être conscient, en dépit du fait qu’il se voit renforcé par l’issue de cette tripartite. Dans cet ordre d’idées, on peut s’étonner que chacune des formations syndicales qui ont pris part à l’accord – OGBL, LCGB, CGFP – loue sa propre ténacité en minimisant l’apport des «deux autres syndicats». La solidarité sur laquelle repose l’art du compromis en prend un coup, du moins symboliquement.