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L’art de l’oralité

Palabrer sous un baobab, conter des histoires la nuit venue, ou tout simplement discuter les yeux dans les yeux sont des traditions qui se perdent, à l’heure du numérique, de l’omniprésence des écrans et des moyens de communication connectés.

Pourtant, l’art de l’oralité est une caractéristique propre au genre humain, qui n’a eu de cesse, au cours de son évolution, de faire évoluer le langage, jusqu’à atteindre, dans de nombreux dialectes, un lexique complexe à même de développer des concepts ardus.

Mais les mots ont souvent peu de poids, lorsqu’ils ne sont pas retranscrits par écrit. Ils s’oublient, s’envolent et disparaissent sans témoin. C’est ce que suggère le ministère des Finances lorsqu’il dément la rumeur selon laquelle le Luxembourg pratiquerait aujourd’hui des accords fiscaux verbaux avec les multinationales, pour contourner les obligations de transparence mises en place par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et adoptées par l’Union européenne.

L’art de l’oralité n’a aucune valeur légale et la parole des hommes pèse rarement lourd sur l’autel des profits. Alors non, le Luxembourg n’oserait pas, contrairement aux affirmations venues de Belgique, contourner les règles pour trahir ses voisins européens. Au petit jeu des accords fiscaux, tout le monde joue bien dans la même cour, Pierre Gramegna, le ministre des Finances, et ses services l’assurent.

Soit. Mais que cette rumeur existe est la preuve tangible que, déjà, certains États, et certaines multinationales, envisagent de contourner les contraintes légales. Que ce soit en Europe, en Amérique ou en Asie, l’idée machiavélique de conclure des accords verbaux a germé. Et le ver est dans le fruit.

Il aurait été étonnant que le scandale LuxLeaks mette fin du jour au lendemain aux mécanismes de fraude à grande échelle mis en place dans le monde entier. Certaines choses ne changent pas au royaume de l’argent et il serait naïf de croire que le monde se dirige vers une fiscalité plus juste.

Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)