Matteo Salvini, le leader de la Ligue d’extrême droite, et Luigi Di Maio, le démagogue du M5S, se frottent les mains. En pleine crise, des Européens dits convaincus apportent de l’eau au moulin europhobe et complotiste qui a fait leur succès aux législatives italiennes. Il y a eu d’abord, mardi, le commissaire européen au Budget, Günther Oettinger, avertissant que «les marchés apprendront aux Italiens à bien voter». Même si ce n’est pas tout à fait cela qu’il a dit, l’esprit y était. Belle occasion pour le sulfureux duo transalpin d’accréditer sa thèse d’une péninsule colonisée par les puissances de l’argent, avec l’Allemagne et la France en chevaux de Troie.
À croire qu’Oettinger ne voit rien des réalités qui désespèrent les Italiens. En bon maître du collège européen, Jean-Claude Juncker a désavoué le mauvais élève et tenté d’effacer la bourde, signifiant que les financiers ne sauraient dicter le vote des Italiens. Mais le brave homme n’était pas, mardi, au bout de ses peines.
Suite mercredi, au Parlement européen, où son compatriote Xavier Bettel en a remis une louche. Exposant ses idées sur l’avenir de l’UE, le Premier ministre a opposé un niet catégorique au plan «provisoire» de la Commission pour mieux taxer les GAFA. Bettel ne veut pas de «provisoire», il veut du durable visant au-delà des frontières de l’UE qui sans cela s’en trouverait, selon lui, pénalisée. Avec l’entêtant parfum de scandale fiscal qui flotte sur le Luxembourg, il y a là de quoi alimenter bien des fantasmes sur la soumission du politique aux intérêts privés. Soit le «tous pourris» des populistes. À nouveau, Juncker a tapé du poing sur le pupitre, qualifiant d’ «injuste et inéquitable» qu’un colosse de l’internet soit moins sévèrement taxé que l’électricien du coin. La repentance fiscale a du bon.
Les sorties d’Oettinger et Bettel tombent au plus mauvais moment alors que les nationalistes posent une option sur l’Europe. Mais il y a aussi le fond sur lequel surfent les Salvini de tout poil depuis des décennies : les inégalités, le déclassement, la pauvreté. Répéter que leurs solutions à ces problèmes ne valent rien n’arrête pas leur ascension. Et ce ne sont ni les marchés financiers ni les GAFA qui rétabliront la justice et l’équité devenues soudainement si chères à Juncker.
Fabien Grasser