Pour la Commission européenne et les partenaires de l’Italie, il y a des limites à ne pas franchir : celles d’un budget qui n’entre pas dans les clous… Mardi, Bruxelles a rejeté le projet de budget italien pour 2019 et le ton ne cesse de monter, Pierre Moscovici qualifiant vendredi de «fasciste» l’eurodéputé de la Ligue qui avait piétiné ses notes à Strasbourg.
Le sujet du budget italien a été très médiatisé tout au long de la semaine, responsables politiques et experts remplissant de déclarations les colonnes des journaux et les temps d’antenne. Matteo Salvini, lui, s’amuse, répète que son gouvernement ne changera pas une virgule à son projet. Et l’UE est désemparée car elle ne peut imposer un budget à un État, tandis que la perspective de sanctions pour «déficit excessif» paraît aussi lointaine qu’hypothétique. Quelle que soit l’issue du bras de fer, Salvini en sera renforcé. Si, malgré tout, Rome recule, il s’affirmera légitimé dans son rôle de croisé contre la «dictature des eurocrates» ou, dans le cas contraire, célèbrera le triomphe du «peuple sur les élites». Mais le spectacle donné par les Européens cette semaine est déjà une victoire pour lui.
Le ministre de l’Intérieur d’extrême droite, arrivé au pouvoir en juin, s’est imposé en patron du gouvernement transalpin. Depuis, il multiplie les propos racistes, incite à la chasse aux migrants (les agressions parfois mortelles se multiplient), procède à des déplacements forcés d’immigrés comme à Riace et a fait arrêter le maire de cette commune calabraise, emblème de l’opposition à la Ligue. Salvini menace les journalistes et fait insidieusement l’apologie du fascisme. Ses provocations et actes suscitent, le temps de quelques heures, des condamnations indignées, des désaveux scandalisés.
Mais nul commissaire européen menaçant Rome de sanctions à grand renfort médiatique. Les dirigeants européens prétendument opposés à Salvini et consorts discréditent ainsi les valeurs humanistes et solidaires qu’ils brandissent à tout bout de champ. Symboliquement, ils attestent la prééminence des questions financières sur la préoccupation humaine, et c’est bien de cela que l’Europe est malade.
Fabien Grasser