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La véritable dette

Mais vous vous rendez compte, si un État vit à crédit, ce sont les générations futures qui en pâtiront. C’est faire preuve d’une irresponsabilité quasi criminelle!» Nous sommes désormais depuis pas mal d’années en Europe confrontés à ce genre de tirades moralisatrices pour, sous couvert de bonne gestion, justifier les politiques d’austérité qui touchent bien souvent en premier lieu les plus faibles.

Pourtant, nous avons appris hier l’aggravation d’une dette bien plus importante et bien plus vitale : la dette écologique. Depuis hier, le 2 août, l’humanité a ainsi consommé la totalité des ressources que la planète peut renouveler en un an et vivra donc «à crédit» jusqu’au 31 décembre. Et chaque année, cette date recule dans le calendrier. Ce «jour du dépassement» n’était atteint par exemple en 1971 que le 21 décembre. Pourtant, dans ce cas précis, point de cris d’orfraie, point de discours alarmistes de la part de nos dirigeants politiques.

Et l’on ne peut que s’en étonner si l’on compare d’un point de vue purement pragmatique les dangers respectifs pour les générations futures de la dette écologique et de la dette publique.

Si l’on remonte le cours de l’histoire, les exemples de dirigeants, de rois ou d’empereurs refusant tout simplement de rembourser leurs dettes sont légion. Sans oublier qu’un État est presque toujours endetté par nature. Et sans oublier aussi qu’il arrive parfois qu’une dette publique soit illégitime, l’exemple le plus caricatural étant la dette contractée par Haïti envers la puissance coloniale française issue de son indépendance en 1804 et que l’île continuera de payer jusqu’au milieu du XXe siècle.

La dette écologique n’est elle ni remboursable ni effaçable, elle n’est pas le fruit d’une construction sociale. Elle n’est pas constituée de lignes comptables abstraites ni de bouts de papier qui n’ont de valeur que parce que les hommes leur en donnent. Elle repose sur des éléments tangibles, bien réels, tels que l’eau, les forêts, les animaux. Et contrairement à la dette publique, le Luxembourg mérite malheureusement dans ce domaine un zéro pointé.

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)