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La Pologne se rebelle

Après le Brexit, l’Union européenne va-t-elle vivre un «Polexit»? Cette question se pose depuis quelques jours après que la Cour constitutionnelle du pays s’est prononcée contre la suprématie absolue du droit communautaire européen sur le droit polonais. La Cour polonaise a déclaré, jeudi, que certains articles du traité de l’UE étaient «incompatibles» avec la Constitution polonaise et elle enjoint aux institutions européennes de ne pas «agir au-delà du champ de leurs compétences» en interférant avec le système judiciaire polonais.

Au sein des institutions de l’Union européenne et chez les autres membres de l’UE, on a très peu goûté cette décision remettant en cause la primauté du droit européen sur les droits nationaux. Le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, a notamment estimé que le gouvernement polonais «joue avec le feu» et pourrait provoquer «une rupture» avec l’UE. De son côté, la Commission européenne, qui s’est dite «préoccupée», a tenu à rappeler que les «traités sont très clairs. Toutes les décisions de la Cour de justice de l’UE s’imposent à toutes les autorités des États membres, y compris aux tribunaux nationaux. Le droit de l’UE prime sur le droit national, y compris sur les dispositions constitutionnelles (…). C’est ce à quoi tous les États membres de l’UE ont adhéré.»

Mais ce n’est pas la première fois que la Pologne se rebelle. Le pays est en conflit depuis plusieurs années avec Bruxelles à propos des réformes judiciaires engagées par le parti conservateur nationaliste au pouvoir Droit et Justice (PiS). Des réformes accusées de saper l’indépendance des juges en place dans le pays et qui ont déjà valu à Varsovie plusieurs condamnations de la Cour de justice de l’UE. Par ailleurs, la Pologne n’est pour l’instant pas parvenue à faire valider son plan de relance par la Commission européenne en raison de ces mêmes questions liées à l’État de droit. Sans oublier que la Pologne s’est aussi distinguée jeudi en mettant son veto à une stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant, tout comme… la Hongrie. Or il est inadmissible de jouer avec les valeurs européennes ou le socle de l’UE. Des valeurs européennes défendues par des milliers de Polonais, qui sont descendus dimanche dans les rues du pays. Ce sont peut-être eux, actuellement, les rebelles de la Pologne.

Guillaume Chassaing