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La peur comme seul argument

Avant l’horrible meurtre en pleine rue jeudi de la députée britannique pro-UE Jo Cox, qui pourrait rebattre les cartes, un phénomène marquant de la campagne autour du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne de la semaine prochaine est l’absence d’arguments positifs des partisans du «in».

La rhétorique des pro-UE pourrait se résumer en une phrase : «Si Londres quitte l’Union, ce sera la catastrophe.» Le Premier ministre britannique, David Cameron, a même évoqué la possibilité du retour de la guerre sur le Vieux Continent en cas de Brexit. Le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, est allé jusqu’à prédire «la destruction de la civilisation occidentale», rien de moins. Sans parler des scénarios apocalyptiques qui aboutiraient à faire de l’une des économies les plus dynamiques du monde une économie d’un pays du tiers-monde.

Que les dirigeants qui se présentent comme des défenseurs de la construction européenne ne trouvent rien de mieux que la peur comme outil de conviction est assez révélateur de l’état actuel de l’Union européenne.

En face, les partisans du «out» n’ont pas manqué eux aussi de sortir de leur chapeau des chiffres plus farfelus les uns que les autres sur le coût pour Londres de son appartenance à l’UE. Mais ils ont au moins véhiculé un message positif : en cas de sortie de l’UE, le Royaume-Uni reprendrait son destin en main, retrouverait sa liberté, la démocratie serait renforcée en coupant les ponts avec l’élite non élue de Bruxelles, notamment. Quoi que l’on pense de la véracité de ces assertions, force est de reconnaître qu’elles sont un peu plus alléchantes que les cris d’orfraie des pro-UE.

Même si jouer sur la peur peut être utile pour gouverner les masses, ce stratagème ne saurait suffire pour vanter les mérites d’un projet politique. Peu importe le résultat de la semaine prochaine, le référendum outre-Manche est une occasion unique de réfléchir sérieusement à l’avenir de l’UE, qui est de plus en plus synonyme d’ennemi un peu partout sur le Vieux Continent.

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)