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La part du rêve

La coalition sortante n’a pas été sanctionnée. Si les verts sortent grands vainqueurs de ces législatives, le LSAP, lui, en est un perdant, les électeurs ayant confirmé le coup de semonce qu’ils avaient adressé aux socialistes lors des communales 2017. Le résultat en est que les trois partis de la coalition passent de 32 à 31 sièges, une majorité bien étroite pour gouverner. Mais suffisante pour un Gambia II.

Se pose néanmoins la question de la légitimité démocratique, déjà présente en 2013: peut-on écarter du gouvernement le CSV, parti ayant le plus grand nombre d’élus à la Chambre ? Parce qu’il était l’ultrafavori de ce scrutin et des sondages, qui asseyaient déjà Claude Wiseler dans le fauteuil de Premier ministre, le Parti chrétien-social est le vaincu de l’élection. Quelle que soit l’issue des négociations de coalition, la perte de deux sièges (21 élus contre 23) est à rebours du triomphe annoncé et donnera la légitimité aux trois partenaires de la coalition sortante pour reconduire leur alliance. Bien sûr, si cela devait être le cas, la configuration du prochain gouvernement serait tout autre. En progressant de plus de cinq points, déi gréng négocieront durement face à un LSAP en perte de trois sièges.

L’irruption des écolos comme quatrième force politique majeure n’est pas le seul fait marquant de ces élections. Force est de constater que le CSV, le LSAP et le DP, qui se sont partagé le pouvoir depuis 70 ans, reculent. Outre les verts, les petits partis en profitent, à commencer par les pirates, la vraie surprise de ce scrutin.

Dans un Luxembourg où tout va plutôt bien pour la majorité de la population, ce fractionnement des suffrages reflète peut-être davantage une lassitude qu’une défiance ou un vote protestataire vis-à-vis de grands partis dont les programmes sont interchangeables sur des sujets aussi fondamentaux que l’économie, le social et les finances publiques. CSV, LSAP et DP se montrent bons gestionnaires quand ils sont au pouvoir. Mais, dans un monde déboussolé, les électeurs attendent un projet de société collectif, des rêves communs, des perspectives auxquelles les bonnes données économiques ne sauraient suffire.

Fabien Grasser