J’avais prévu de consacrer cet édito aux hommes qui prennent la peine de nous écouter, d’essayer de nous comprendre, de nous laisser exister et de nous laisser nous accomplir, à ceux dont notre bonheur ne fait pas le malheur, à ceux pour qui les femmes ne sont pas des menaces mais des atouts, à ceux qui nous aiment, à ceux qui nous aident à faire la vaisselle…
Et puis, j’ai lu ces chiffres : toutes les sept minutes en France, une femme est victime d’un viol, cela fait 8,5 victimes par heure, 204 par jour, 1 428 par semaine, 6 205 par mois et 74 600 par an. Leurs agresseurs ne sont pas tous des malades pervers candidats à la castration, ce sont des hommes qui pensent pouvoir disposer à leur guise des femmes, des hommes pour qui le droit de cuissage n’a pas été aboli, pour qui humilier et «sous»-mettre les femmes témoigne de leur puissance virile. Et puis, il y a les agressions, les pénis sous le nez, les propos déconsidérants dont les auteurs ne se rendent même plus compte de la portée tellement ils sont devenus la norme dans certains milieux, les crachats…
Et le silence ! Le silence honteux des victimes, le silence complice des témoins «qui ne veulent pas se mêler de ça, tu comprends!», le silence protecteur des coreligionnaires misogynes à l’égard des agresseurs, le silence coupable de la société qui pense que si on ne parle pas d’un sujet alors il n’existe pas. Ce méprisant et douloureux silence qui ne fait que renforcer la présomption de culpabilité qui précède les qualités des femmes. La jalousie et la peur ne sont pas l’apanage des femmes. Au moins avons-nous sur ce point trouvé un terrain d’entente. D’autres restent encore à explorer. Le cheminement est lent et fatigant, pas assez rapide pour les femmes. Il dure depuis des siècles. Chaque acte de violence, chaque désir conservateur est un pas en arrière sur le chemin du progrès et de l’égalité. Des poncifs fatigants à répéter et qui finissent par faire passer les femmes pour des hystériques. Ça en arrange certains !
Sophie Kieffer