Le cœur lourd et une tristesse immense. La nouvelle du décès du Grand-Duc Jean a ému. Elle a ému chez nous, mais aussi au-delà des frontières. Alors que le printemps fait revivre la nature d’une façon flamboyante, une grande mélancolie a étreint mardi le Luxembourg. L’ensemble du pays s’est drapé de la couleur du deuil, le temps du politique s’est arrêté, l’heure est à l’hommage, au souvenir.
Le Grand-Duc Jean, décédé à l’âge de 98 ans, a été un compagnon de route d’une incroyable loyauté envers le pays. Souverain du Grand-Duché de 1964 à 2000, il aura été un grand chef d’État confronté à des défis immenses. Il a traversé une grande partie de ce XXe siècle si violent mais aussi source d’un espoir si incroyable avec la construction européenne. L’ancien souverain a connu l’exil et le fracas de la guerre, puis il a été un infatigable défenseur de la paix. Comme lui, les hommes et femmes de sa génération savaient plus que quiconque sur quoi pouvaient déboucher la haine, l’exclusion, la violence, la division. Après les tourments de la Seconde Guerre mondiale, il a affronté la bataille, pacifique celle-là, de la construction européenne. En première ligne, comme toujours. Et il a remporté une nouvelle victoire.
Cette Europe pacifiée semble être quelque chose de naturel pour beaucoup d’entre nous, jeunes générations. Pourtant, la menace est là. Elle guette constamment un moment de relâchement pour se réinstaller et s’enraciner. Pendant ses trente-six ans de règne, le Grand-Duc Jean a été un inlassable artisan de la paix sur ce continent meurtri dont il connaissait les sombres élans mais aussi les lumineuses aspirations.
Aujourd’hui, cette Europe que nous a léguée la génération du Grand-Duc Jean semble vouloir à nouveau se faire peur, tente à nouveau de jouer avec les frontières, s’amuse des affrontements verbaux. C’est à nous dorénavant qu’incombe la tâche immense de préserver ce précieux héritage. Nous relèverons le défi, quel qu’il soit, comme l’a fait le Grand-Duc Jean.
Laurent Duraisin