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La lumière de l’Histoire

Dans Serviteur du peuple, série télé très populaire en Ukraine d’avant-guerre, Vassili Petrovitch Goloborodko est un modeste professeur d’histoire élu président à la surprise générale. Souvent plongé dans ses rêveries, livres ouverts sur le nez, il convoque les grandes figures du monde et tire leurs enseignements pour prendre des décisions difficiles. Dans la vie, la vraie, Volodymyr Zelensky est un chef d’État qui s’est révélé contre toute attente le leader d’un peuple résistant à l’agression. Appelant à l’aide les dirigeants étrangers. Singulière inversion des rôles entre l’acteur et son personnage. Voici le président à présent prof d’histoire devant les parlements de la planète. Exhumant les heures sombres et les fantômes du passé de chacun. Aux Français, il rappelle «les ruines de Verdun». Aux Américains, les traumatismes de Pearl Harbor et du 11-Septembre. Renvoie les Allemands au pied du mur. Ravive les souvenirs des Britanniques, citant Churchill en juin 1940 qui promettait de se battre «jusqu’au bout», et prenant des accents shakespeariens.

En ciblant ainsi ses discours, le professeur Zelensky rafraîchit la mémoire occidentale qui a tendance à être courte et sélective. On oublie un peu trop souvent que l’Histoire se répète au gré de parallèles troublants. Ce 24 février, les nations viennent de refermer la page des Jeux olympiques de Pékin. Tandis que le jour n’est pas encore levé, nous sommes réveillés par le fracas des bombes qui commencent à tomber sur l’Ukraine envahie par le nord, l’est et le sud. Sidération internationale. Pourtant, huit ans plus tôt, quasiment jour pour jour, le scénario est identique. Le 28 février 2014, les Jeux de Sotchi sont tout juste terminés et la Russie lance l’annexion de la Crimée.

C’est aussi à la lumière de ces épisodes parfois oubliés que l’on voit plus clairement ce qui se joue sous nos yeux. Les visées impérialistes de Vladimir Poutine ne datent pas d’hier. Et les fantômes de son passé nous racontent comment il a préparé son coup et sa vengeance contre l’Occident il y a plus de vingt ans. On le dit imprévisible. Sauf que la réalité de Poutine emprunte à ses fictions écrites depuis longtemps.

Alexandra Parachini