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La guerre, pendant 65 ans

Le moment est historique. Certains ont même eu du mal à y croire. Vendredi, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, et le président sud-coréen, Moon Jae-in, se sont retrouvés sur la ligne de démarcation qui sépare leurs deux pays, le long du 38e parallèle nord. Francs sourires, poignées de mains, discussions à bâtons rompus, repas chaleureux… les deux hommes se sont retrouvés pour faire la paix dans la péninsule. Enfin. Les deux pays sont en guerre depuis 1953, car seul un armistice a mis fin aux combats qui avaient commencé trois ans plus tôt. Bilan : deux millions de morts civils et militaires. Deux militaires luxembourgeois avaient été tués et 17 blessés dans cette guerre qui n’était froide en rien. Ils faisaient partie d’un bataillon belgo-luxembourgeois, la Belgian United Nations Command. Un monument qui marque l’engagement de ce bataillon dans le conflit a été érigé à Dong Du Chon, en Corée du Sud. Pour ne pas oublier. Mais comment oublier? Après la guerre, des familles entières ont été séparées de part et d’autre de la zone de démarcation infranchissable, le long de ce 38e parallèle encombré de grillages, de barbelés, hérissé de miradors, tapissé de mines. Cette situation est toujours une véritable déchirure pour le peuple coréen. Les deux Corées vivent maintenant depuis 65 ans en alerte permanente. Après la chute du bloc soviétique, la situation était devenue anachronique, mais le régime de Corée du Nord n’a pas été emporté par le vent de l’Histoire. Bien au contraire. Essais nucléaires et tirs de missiles balistiques pouvant toucher Washington (et l’Europe) se sont succédé, transformant la zone en poudrière. Est-ce que le processus engagé vendredi pourra balayer ces 65 années d’épreuves et de défiance? Quelle confiance accorder à Kim Jong-un, qui est à la tête d’une des plus terribles dictatures de la planète? Le jeu diplomatico-militaire qui dure depuis des décennies cessera-t-il enfin pour aboutir à la paix? Les prochaines semaines seront cruciales, car le moindre grain de sable risque d’enrayer cette belle dynamique… comme ce fut le cas à maintes reprises déjà.

Laurent Duraisin