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La guerre du sable


Peut-être connaissez-vous l’expression anglaise : «vendre du sable aux arabes». En d’autres termes, tenter quelque chose d’aussi incongru que de vendre de la neige aux esquimaux. Sauf que cette expression est dépassée. Car même lorsqu’on est entouré de déserts comme Dubai, on peut avoir une envie dévorante de sable étranger. Pour gagner du terrain sur la mer, la ville arrose de pétrodollars l’Australie en échange de sable marin. Car le sable des déserts, poli par le temps et le vent, est trop rond et lisse pour pouvoir construire quelque chose de solide, à la différence du sable marin.
Voilà comment, pour construire son île en forme de palmier, Dubai a englouti 150 millions de tonnes de sable marin!
Ce chantier pharaonique n’est qu’un exemple parmi d’autres d’exploitation d’une ressource qu’on croirait infinie et gratuite. Pourtant, le granulat est devenu la troisième ressource mondiale la plus utilisée après l’air et l’eau. Il est partout : dans les vitres, le béton, les routes, mais aussi le papier, la lessive, les composants électroniques…
Si bien que cette ressource non renouvelable commence à manquer. Et l’extraction fait des ravages : destruction d’écosystèmes, fragilisation des nappes phréatiques, pollution, sans oublier l’érosion des littorales. Certaines plages ou îles vous font rêver? Dépêchez-vous, car leur disparition s’accélère. En Floride, 9 plages sur 10 sont menacées, forçant les élus locaux à pomper le sable au large. Mais l’extraction provoque l’érosion de ces mêmes plages, et le sable finit par retourner au large, et être repompé, et ainsi de suite… Une boucle aussi absurde que coûteuse. Même chose sur les plages marocaines, où des «pilleurs» de sable permettent la construction de résidences pour des touristes attirés par des plages de moins en moins… attirantes, car de plus en plus érodées!
Et il serait faux de croire que le Luxembourg échappe au phénomène. L’épuisement des ressources nous pousse à aller chercher toujours plus loin du sable. Un pays qui ambitionne d’exploiter les astéroïdes ne saurait s’arrêter à ses basses frontières terrestres, et partout dans le monde, des bateaux battant pavillon luxembourgeois participent, eux aussi, à cette guerre mondiale du sable.

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)