Le coup d’État avorté dans la nuit de vendredi à samedi est tragique à bien des égards. Tout d’abord, le bilan humain est lourd avec 265 morts et au moins 1 440 blessés. Hier, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, était en larmes aux obsèques d’une victime du putsch manqué. Réelle émotion ou nouvelle mise en scène? En tout cas, il est ressorti renforcé de cette tentative de coup d’État. Et il a décidé de frapper très fort pour souligner sa suprématie.
Les putschistes repoussés avaient déclaré, vendredi soir, agir pour «rétablir la démocratie». Il est indéniable que le président Erdogan a sa propre interprétation du terme démocratie. Mais il a été «démocratiquement élu», comme l’ont souligné de nombreux dirigeants politiques ces dernières heures. Cela n’empêche pas que la communauté internationale se trouve à nouveau dans une situation très embarrassante.
Alors que Recep Tayyip Erdogan avait déjà profité de la désunion de l’UE dans la crise migratoire pour renforcer sa position, voilà qu’il exploite pleinement le coup d’État avorté pour faire le ménage. Les nombreux appels à respecter les principes démocratiques n’ont jusqu’à présent eu aucun effet.
Jusqu’à hier soir, environ 6 000 personnes ont été arrêtées en Turquie, dont près de 3 000 soldats impliqués dans le putsch. Bien plus inquiétante est l’arrestation de 2 745 juges et procureurs. L’occasion est trop belle pour Erdogan de se débarrasser de ses ennemis. Contrairement à ce qu’affirmait hier le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, pour le président turc, le coup d’État avorté est bien un «chèque en blanc» pour faire des «purges».
Dans ce contexte, la phrase suivante, extraite d’une note d’information officielle diffusée par l’ambassade de Turquie au Luxembourg, est tout simplement cynique : «Notre président, notre Premier ministre, notre gouvernement et les membres de la Grande Assemblée nationale (…) ont déjoué cette tentative de coup d’État, en défendant la démocratie et l’État de droit.» La réalité du terrain est cependant tout à fait différente…
David Marques (dmarques@lequotidien.lu)