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La Géorgie en perdition

On avait quitté – en marge du match (frustrant) des Roud Léiwen – Tbilissi et la Géorgie avec l’impression d’avoir séjourné dans un pays résolument tourné vers l’Europe.

Ces derniers jours, il a malheureusement fallu constater que l’impulsion européenne vient surtout de la présidente du pays, Salomé Zourabichvili, et beaucoup moins du gouvernement ou d’une large majorité au Parlement.

On croyait pourtant l’État caucasien engagé sur la bonne voie après que les 27 chefs d’État et de gouvernement ont accordé, le 13 décembre dernier, l’ouverture des négociations d’adhésion. Des milliers de personnes avaient fêté la nouvelle dans les rues de Tbilissi.

L’ambiance n’est clairement plus à la fête. Mardi, une baston a même éclaté au Parlement, tandis que la population manifestait par milliers devant l’édifice. La colère est provoquée par un projet de loi controversé sur les «agents de l’étranger».

Les opposants à ce texte, voté en première lecture, désapprouvent des similitudes indéniables avec une initiative prise par l’autocrate Vladimir Poutine. Malgré la menace russe qui pèse sur le pays, les députés ont adopté, sans trop broncher, le projet par 78 voix contre 25.

L’indignation ne se limite pas aux citoyens rassemblés depuis des jours à Tbilissi, elle a aussi gagné Bruxelles. Mardi, le président du Conseil européen, Charles Michel, a mis en garde, sur X, contre le fait que ce texte «éloignera la Géorgie de l’UE au lieu de l’en rapprocher». Les dirigeants européens jugent eux aussi que le projet de loi est liberticide et risque de mener à la persécution des voix dissidentes.

L’importante mobilisation de la population offre toutefois une lueur d’espoir. En 2023, le même texte sur de prétendus «agents de l’étranger» (ONG, associations, voire les représentations de l’UE et de l’OTAN) avait été retiré sous la pression de la rue.

La présidente, qui est ouvertement en conflit avec le parti au pouvoir, a également condamné la décision prise par le Parlement, la qualifiant de «contraire à la volonté de la population».

Rappelons que l’adhésion à l’UE est soutenue, selon de récents sondages, par 80 % de la population géorgienne. Cet important soutien devra s’exprimer lors des élections législatives qui auront lieu cet automne, faute de quoi le rêve européen va rapidement se briser.