Incapable de résoudre la crise migratoire en s’appuyant sur une solidarité intérieure, l’Union européenne s’était déjà jetée en mars 2016 dans les bras de la Turquie. Le pays dirigé de main de fer par le président Recep Tayyip Erdogan a depuis lors l’Europe en main. La réaction assez molle à la suite du coup d’État avorté en été dernier et la purge qui s’en est suivie en disent long.
Depuis ce vendredi, la Libye est présentée comme le deuxième allié de taille de l’UE pour mieux gérer les flux migratoires. L’accord trouvé à Malte par les 28 chefs d’État et de gouvernement met en avant le «respect des droits de l’homme» et les «valeurs européennes». Officiellement, il s’agit de «briser le modèle économique» des passeurs et de sauver ainsi des vies de migrants, prêts à tout pour se construire un avenir meilleur en Europe.
L’idée de collaborer avec la Libye n’est pas nouvelle. Après le projet lancé en 2015 de couler les chalutiers des passeurs, à un moment où le pays baignait encore dans le chaos politique, l’UE mise désormais sur une coopération plus appuyée avec le gouvernement d’union nationale. Ce projet relève cependant d’un difficile équilibre au vu du fait que le gouvernement libyen ne contrôle pas encore l’entièreté du pays, en proie au chaos depuis 2011. Pour rappel : cette instabilité n’a fait que préparer le terrain exploité par les passeurs. Depuis près d’un an, la route des Balkans est close, grâce aussi à l’accord douteux avec la Turquie. L’accord avec la Libye doit maintenant permettre de fermer la route de la Méditerranée centrale. Il s’agit certes d’une nécessité, mais la voie choisie par l’UE est à remettre en question. L’accord comporte en effet de nombreux risques, rapidement dénoncés par les organisations humanitaires vendredi.
Si l’Europe veut continuer à jouer son rôle de continent fier de ses valeurs de paix et de solidarité, des couloirs de migration légaux sont plus que jamais nécessaires. Renforcer toujours plus la forteresse que constitue déjà le Vieux Continent est contraire à toutes les valeurs défendues par l’UE.
David Marques (dmarques@lequotidien.lu)