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La folie des chiffres

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est arrivé mercredi à Washington pour sa première visite à l’étranger depuis le début de l’invasion russe en Ukraine. Agressé par son voisin que l’on qualifiait de surpuissant, la peuple ukrainien tient bon. Encore et toujours. Grâce à un courage héroïque. Mais surtout grâce à l’aide militaire et humanitaire apportée par la communauté internationale, avec en tête les pays de l’OTAN.

Lors de sa rencontre avec son homologue Joe Biden, le président ukrainien n’a pas manqué d’exprimer sa «reconnaissance de tout cœur» pour le soutien apporté par les États-Unis. Et pour cause. En supplément aux 50 milliards de dollars déjà débloqués, dont 20 milliards de dollars pour des armements, les parlementaires américains vont accorder une nouvelle enveloppe qui se monte à 45 milliards de dollars. Cette rallonge va comprendre la livraison du système de défense antiaérien hautement sophistiqué Patriot, qui, au vu des bombardements systématiques d’infrastructures critiques par l’armée russe, semble incontournable.

Ces montants donnent le vertige. Ils semblent irréalistes, d’autant plus si l’on considère que les États mobilisent ces sommes, du moins à première vue, avec une certaine aisance. Le soutien apporté à l’Ukraine par l’Union européenne se chiffre également en milliards d’euros. Ce montant pèse toujours assez peu face à un budget militaire des États-Unis qui va atteindre, en 2023, la somme record de… 858 milliards de dollars. À titre de comparaison, totalement disproportionnée, le Luxembourg prévoit de mobiliser à l’horizon 2028 un milliard d’euros pour sa défense.

La folie des chiffres ne s’arrête cependant pas là. Il est estimé qu’un seul jour de dépenses militaires, soit près de 6 milliards de dollars, serait suffisant à éradiquer la faim dans le monde. Dans un autre registre, les pays riches peinent toujours autant à mobiliser les 100 milliards de dollars par an pour venir en aide aux pays pauvres, lourdement frappés par le changement climatique. Pourquoi ce deux poids, deux mesures honteux?

L’humanité souffre. Le souci d’humanité impose toutefois aussi de continuer à soutenir l’Ukraine, qui depuis plus de 300 jours fait face à une guerre affolante.