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La foire d’empoigne

La polémique enfle autour des livraisons de vaccins. Après avoir tancé les laboratoires qui ont annoncé des délais supplémentaires pour ces livraisons pourtant commandées et payées, voici que les pays en manque de doses se regardent les uns et les autres du coin de l’œil. La méfiance règne et tout le monde a sorti sa petite calculette pour savoir qui a plus de doses que le voisin. C’était le cas pour le vaccin de Pfizer-BioNTech et pour celui de Moderna, c’est maintenant le cas pour le vaccin d’AstraZeneca-Oxford avec en prime, peut-être, une première brouille entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Bruxelles a en effet adopté un mécanisme permettant de contrôler les exportations hors de l’UE des vaccins anti-Covid qui y sont produits et empêcher la sortie de doses destinées aux Européens. Les Britanniques, qui ne sont plus «européens», s’inquiètent, car cela remet en cause les livraisons des vaccins en Irlande du Nord et les accords concernant cette région conclus lors des négociations sur le Brexit. Bref, la pénurie commence à créer des problèmes entre voisins. Et ce n’est qu’un début.

Le monde entier souhaite se protéger contre l’avancée de l’épidémie et les laboratoires ont du mal à suivre. Ils ont beaucoup promis, il est vrai, quand il leur fallait de l’argent pour financer leurs recherches sur le vaccin contre la maladie. Maintenant, la réalité semble les rattraper et les voilà en train d’expliquer que, finalement, ces commandes payées par les pays à grands coups de milliards ne sont plus vraiment valables. Les clients vont devoir patienter ou se partager les quelques doses qui peuvent être livrées. La foire d’empoigne a donc commencé.

On pensait ce type de situation loin derrière nous. Nous nous souvenons tous de ces masques si précieux en mars 2020. Tout le monde s’arrachait ces petits bouts de tissu et tous les moyens étaient bons pour pouvoir les acquérir… même acheter au dernier moment la cargaison destinée à un autre. Aujourd’hui, le chacun pour soi semble revenir à la mode. Oubliées, les grandes déclarations après la panique de mars 2020 évoquant la solidarité retrouvée des nations du globe face à la maladie. «Nécessité fait loi» comme dit le proverbe.

Laurent Duraisin