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La fin d’une utopie

Les nouvelles et très impopulaires lois de défense votées l’an dernier au Japon sont entrées en vigueur hier, donnant en théorie la possibilité aux soldats japonais d’appuyer un allié en difficulté dans un conflit à l’étranger. Ces lois vont à l’encontre de l’article 9 de la Constitution japonaise imposée par les Américains au sortir de la Seconde Guerre mondiale, qui dispose que «le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux».

L’entrée en vigueur d’hier marque ainsi un tournant dans la politique pacifiste du Japon et la fin d’une belle utopie. Avec cette extension des prérogatives des forces armées – qui ne pouvaient combattre qu’en cas d’«autodéfense» – de jeunes Japonais pourront ainsi, pour aider les Américains par exemple, aller se faire tuer dans un pays lointain dont ils n’ont jamais entendu parler et dont ils ne connaissent pas la langue ni la culture.

Le Premier ministre nationaliste japonais, Shinzo Abe, justifie cette position par la nécessité selon lui de se protéger de la montée en puissance de la Chine dans le Pacifique et d’une Corée du Nord menaçante. S’il serait hasardeux, vu d’Europe, à des milliers de kilomètres de l’archipel, de porter un jugement hâtif sur ces arguments, difficile de ne pas ressentir un petit pincement au cœur devant cette évolution.

Pour beaucoup, il ne s’agit là que de mettre fin à une anomalie, un peu à l’image de l’autre grand vaincu de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne. Après plusieurs décennies pendant lesquelles son engagement à l’étranger était quasi nul, la Bundeswehr est désormais de plus en plus présente sur les terrains extérieurs, notamment dans des opérations de «maintien de la paix», en dépit de l’article 26 de sa loi fondamentale selon lequel «les actes susceptibles (…) de préparer une guerre d’agression sont inconstitutionnels». Au regard de l’actualité internationale, le pacifisme peut apparaître comme un projet naïf. Mais existe-t-il un projet plus noble?

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)