Les travailleurs frontaliers sont-ils réellement responsables de tous les maux du Luxembourg, comme certains le prétendent ouvertement ?
Selon eux, si les axes routiers sont bouchés aux heures de pointe, c’est la faute aux frontaliers. Si le risque de pauvreté et le chômage des Luxembourgeois existent, c’est aussi la faute aux frontaliers qui ont volé leurs emplois aux autochtones. Si les nationaux ne peuvent pas commander leur bière au bistrot, car la serveuse ne parle que français (bien qu’en réalité roumaine et résidente), c’est encore et toujours la faute aux frontaliers ! Pour enfoncer le clou, alors qu’ils sont systématiquement stigmatisés, les frontaliers (français) sont traités de «Heckenfranzousen» ou bien raillés, car issus de la «Grande Nation» (expression germanophone apparue dans le contexte de la période napoléonienne et encore très utilisée aujourd’hui), comme se plaisent aujourd’hui encore certains Luxembourgeois à dénommer le pays voisin.
Certes il y a certainement, comme partout d’ailleurs, des personnes imbuvables, des imbéciles, des profiteurs du système parmi les frontaliers, mais il y a également des boucs émissaires, des frontaliers accusés injustement de vouloir gagner leur pain quotidien dans une UE qui sacre la libre circulation des travailleurs. Et pour ce qui est de l’argument selon lequel les frontaliers voleraient leurs emplois aux Luxembourgeois, force est de constater que l’ouverture (partielle) de la fonction publique aux ressortissants de l’UE était encore inconcevable il y a quelques années.
Concernant l’apprentissage de la langue, il est vrai que des efforts pourraient être faits, mais pour ce qui relève des autres préjugés, il y a souvent un décalage énorme entre le cliché et la réalité. Pour preuve, les frontaliers constituent 43% de la main-d’œuvre au pays et contribuent donc en grande partie à la croissance économique qui, elle, profite à tous, sans distinction et sans discrimination.
Claude Damiani