Accueil | Editoriaux | La crise et ses complices

La crise et ses complices

Des rendements faramineux à tout prix, même s’il faut pour cela basculer dans l’illégalité : tel était l’état d’esprit chez Lehman Brothers dans les années précédant sa faillite. Quitte à tricher sur les revenus des emprunteurs, les employés de la vénérable banque devaient engranger les profits. Tout le monde pensait y gagner : les actionnaires qui encaissaient des milliards de bénéfices, les employés avides de bonus indexés sur leurs performances et les modestes emprunteurs qui accédaient enfin au rêve de leur vie en devenant propriétaires de leur maison.

Si le château de cartes de la finance internationale s’est effondré le 15 avril 2008, ce n’est cependant pas du seul fait de Lehman Brothers ni des seules subprimes. Cette faillite retentissante a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase forcément toxique du capitalisme financier affranchi du bon sens, du respect de la loi et dans tous les cas de la plus élémentaire éthique.

Dix ans après cette banqueroute du capitalisme financier, le recul est suffisant pour affirmer la complicité des décideurs politiques. Si d’aucuns pensent qu’éthique et morale ne sont pas le problème des entreprises, il est assurément celui des politiques. Leur mission est de déterminer ce qui est ou non acceptable. Au mépris des mandats qui leur avaient été confiés, ils ont aveuglément obéit aux injonctions des lobbys et laissé le Moloch dévorer le bien-être et les espoirs de millions de personnes à travers la planète. Avant de joindre hypocritement leurs voix indignées au chœur des lamentations.

Les combines virtuelles de la finance n’ont rien eu d’un jeu pour ceux qui les ont subies. Car c’est sans doute la plus importante des leçons à retenir : ce sont les victimes, c’est-à-dire l’écrasante majorité de la population, qui ont payé les pots cassés.

La leçon a-t-elle dès lors été retenue? Non. Dès la fin 2009, actionnaires et traders se gavaient à nouveau aux bonus à six chiffres pendant que les États épongeaient leurs dettes avec l’argent puisé dans les poches des contribuables. Depuis le début de la crise, les inégalités ont bondi et les multinationales dictent chaque jour davantage leur loi à l’ensemble de la société. À croire que les politiques se fichent toujours comme d’une guigne des mandats qui leur sont confiés.

Fabien Grasser