Quelle différence y a-t-il entre un religieux pris la main dans la culotte d’un gamin ou d’une religieuse et Oscar Wilde? L’écrivain britannique reconnaissait pouvoir résister à tout sauf à la tentation et un religieux demande à un concept philosophique de «ne pas le laisser entrer en tentation mais de le délivrer du mal». On sait maintenant où cela a mené l’un et l’autre. Surtout l’autre, celui qui pendant des siècles a bénéficié du mutisme organisé d’une institution dont la vocation est notamment l’ouverture à l’autre prônée par son prophète démiurge.
Combien de vies ce silence permissif de confessionnal a-t-il brisées, tant du côté des agresseurs que des victimes? Face au scandale, l’Église n’a d’autre choix que de présenter ses excuses. On attend pourtant encore un vrai mea-culpa. Une reconnaissance commune de l’Église de sa très grande faute et une expiation de ses péchés ailleurs que dans le confessionnal d’une Église vide. Plutôt que de tout rejeter sur le dos du pauvre Satan. Du bien opportun Satan, coupable avec la tentatrice Lilith de tous les crimes. Les irrésistibles boucs émissaires d’un monde manichéen dans lequel il faut organiser des cours de prévention pour qu’un homme adulte sache bien se comporter avec un enfant ou une femme!
L’Église est au pied du mur. La tentation de fuir l’a rattrapée. Y résistera-t-elle? Arrêtera-t-elle un jour de se cacher derrière des paraboles et des amitiés toxiques? Si les victimes le disent, a résumé un prélat repentant ces jours-ci, on ne peut plus nier que c’est vrai. Tout est dit.
Mais face à la nécessité de recruter des ouailles pour ne pas perdre du terrain face aux autres grands monothéismes, l’image doit rester lisse. Les sœurs dont la chasteté est sacrifiée, prostituée ou avortée pour cacher le péché, sont remerciées dans un silence de tombeau. L’Église ne peut s’accuser tout entière. Elle en est réduite à séparer le bon grain de l’ivraie. Le mea-culpa peut attendre.
Les crimes sont couverts par la justice du Vatican.
Sophie Kieffer