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Jusqu’au trognon

Appel manqué. Il n’y a plus personne au bout du fil. La direction d’Apple a finalement coupé court à la conversation entamée par les syndicats de ses magasins français. Les revendications portent principalement sur une revalorisation salariale, pour supporter l’inflation et le difficile coût de la vie. Les représentants du personnel espèrent une augmentation de 7 %, la direction n’entend pas aller au-delà de 4,5 % et un geste sur les tickets-restaurants. Le géant américain a pourtant les moyens de consentir à un effort plus consistant : depuis le début de l’année, le groupe se targue d’un bénéfice net cumulé de 44 milliards de dollars.

Et alors. Les grands patrons ont au contraire estimé que leurs employés étaient plutôt «bien lotis». Message aussi brutal que limpide. Et le dialogue de sourds s’est soldé par un échec sur toute la ligne. L’intersyndicale a donc annoncé une grève demain et samedi, histoire de marquer le coup pour le lancement officiel de l’iPhone 15. Un événement toujours très couru, avec ses files d’impatients faisant le pied de grue devant les vingt boutiques exploitées dans l’Hexagone. Des débrayages y sont notamment prévus, avec une manifestation dans la capitale. Surtout, les actions pourraient s’installer dans la durée, ont déjà prévenu les protestataires.

Un mouvement massif chez Apple ? Ce serait clairement une révolution, commenterait feu Steve Jobs… Mais évidemment pas une surprise. Ça craque de tous les côtés dans ces entreprises de casse sociale, où l’indécence est à la hauteur des superprofits.

Si ses têtes pensantes s’obstinent à tout garder pour leur pomme, «la plus grosse boîte du monde» connaîtra quelques pépins. Parce que les travailleurs, aussi, ont légitimement envie de croquer dans le fruit de leur labeur. Et parce que cette pomme, si juteuse, est pourrie depuis trop longtemps. Jusqu’au trognon. L’on parle tout de même d’une multinationale qui met tout en œuvre pour s’exonérer de l’impôt en Europe. Dont les téléphones valent plus cher que la paye de ceux qui les vendent. Forcément, il n’y a pas grand-chose à attendre d’en haut pour qui se trouve en bas de l’échelle. À peine de quoi, éventuellement, s’offrir un iPhone… reconditionné.

Alexandra Parachini