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Je vous ai compris

« L’Europe ne peut pas dire qu’elle n’est pas à l’origine de la récession grecque. C’est à elle de financer la réponse au chômage des jeunes. »

Non, ce n’est pas le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, qui parle, mais… Jean-Claude Juncker. C’était en juin 2013. En visite à Athènes, alors Premier ministre luxembourgeois, il affirme se sentir « copropriétaire de la Grèce » et poursuit : « Le problème de l’Europe, c’est que nous avons construit un système où tout le monde parle, codécide, sans se connaître. (…) La Grèce n’est pas le problème de la zone euro. La Grèce est un épiphénomène de la mauvaise gestion lointaine de la zone euro. » Dont acte.

Désormais président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a appelé dimanche à plus de compréhension envers la Grèce : « Ce qui m’inquiète, c’est que tout le monde n’a pas encore compris, au sein de l’Union européenne, le sérieux de la situation en Grèce », avec un chômage « au plus haut » et un quart des Grecs privés de couverture sociale.

La Grèce de Syriza, quand bien même elle a écarté du pouvoir les « visages familiers » auxquels tenait tant Jean-Claude Juncker, aurait-elle trouvé son meilleur ami au sein des institutions européennes ? Pas sûr. Malgré le lancement d’un vaste plan d’investissement européen, le président de la Commission n’est pas encore devenu le pourfendeur de l’austérité. Car la compréhension de Jean-Claude Juncker a ses limites, celui-ci appelant dans le même temps la Grèce à « respecter » à la lettre les réformes convenues avec ses créanciers.

Ce discours ambigu – voire gaullien – vise-t-il alors simplement à arrondir les angles, afin d’éviter le scénario du Grexit, qui serait une perte « irréparable » pour la zone euro, dixit Juncker ? Face à la fermeté de l’Allemagne et de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Juncker a endossé l’habit du médiateur et rencontrera à nouveau Alexis Tsipras cette semaine. Pour ajouter enfin, laisse-t-il entendre, un zeste de politique à l’obstination technico-comptable. Espérons que cette « compréhension » ne sera justement pas trop politicienne, et ne servira pas un lobbying destiné à enfumer le nouveau gouvernement grec.

De notre journaliste Sylvain Amiotte


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