Félix Braz aura attendu jusqu’à hier, autrement dit un jour au plus profond de l’été le plus oublieux, pour présenter son projet de loi sur l’«interdiction de dissimulation du visage dans certains lieux publics». Jusque dans l’intitulé, le ministre de la Justice vert aura donc veillé à se démarquer de ceux qui l’auront poussé à porter un projet de loi que lui-même n’assume très probablement qu’à contrecœur, après avoir longtemps exclu de légiférer en matière de port du voile intégral.
Autrement dit, après avoir longtemps refoulé l’idée désagréable de devoir présenter un jour une «loi antiburqa», comme les médias (qui ne partagent ni l’embarras ni la pudeur de Félix Braz) l’appellent sans détour. En dévoilant un texte de loi interdisant la dissimulation du visage dans certains lieux publics uniquement, en renonçant à un interdit général et en évitant les termes de niqab et de burqa, le ministre de la Justice tente de reprendre un peu tardivement le contrôle de ce que certains ont qualifié de «faux débat», au cours duquel il aura longtemps marché sur des charbons ardents en devenant le jouet de l’opposition, avant de fléchir sous la pression de ses partenaires de coalition soucieux de donner du gouvernement une image unie, critiqués à leur tour par une base de jeunes rebelles, aussitôt traités de «naïfs» par le socialiste Nicolas Schmit.
En tout, la discussion autour du voile intégral a donc été pour le CSV, aidé par le concours des attentats de Paris, un moyen de ridiculiser un membre de gouvernement afin d’obtenir de la coalition l’image de désaccord et d’opportunisme souhaitée. La question est désormais de savoir si la problématique du voile intégral a eu le débat qu’il mérite. L’opposition n’a fait que jouer avec la peur des gens pour mettre sous pression un gouvernement qui, lui, a eu du mal à prendre au sérieux cette peur. Mais la peur relie les gens et, en fin de compte, ne profite qu’aux extrémistes. À y regarder de près, c’est donc le gouvernement qui a eu l’approche la plus raisonnable, et la plus louable, tenant à la fois compte de la peur des gens, tout en veillant à rester prudent.
Frédéric Braun (fbraun@lequotidien.lu)