Les obligations vertes, les green bonds, sont-elles l’équivalent des indulgences par lesquelles, au Moyen Âge, les riches payaient l’Église pour racheter leurs péchés et s’assurer une place au paradis ? Autrement dit, ceux qui émettent ou investissent dans ces produits tentent-ils de faire oublier les outrages qu’ils infligent par ailleurs à l’environnement et au climat ? Les obligations vertes ne seraient ainsi qu’un argument marketing, une façon commode de faire du greenwashing au moment où les citoyens mettent en accusation les banques et entreprises qui, d’une façon ou d’une autre, détruisent et polluent la nature au service du seul profit.
Le Grand-Duché entend jouer un rôle de premier plan dans cette finance qui veut réorienter les capitaux vers le développement durable. La moitié des green bonds cotés dans le monde le sont à Luxembourg, se plaît à répéter le gouvernement, et l’argument fait partie intégrante de l’arsenal du nation branding. Il est bienvenu pour redorer l’image d’une place financière suspectée de favoriser l’évasion fiscale et le blanchiment des capitaux.
L’économiste Anastasia Melachrinos, qui donnera une conférence sur le sujet à Luxembourg vendredi, se veut optimiste. Reconnaissant que les green bonds sont encore mal définis et qu’il est aujourd’hui difficile de déterminer s’ils servent réellement à des projets verts, elle estime que les choses vont s’améliorer. Non que les financiers se convertissent subitement à l’éthique, mais parce qu’ils y gagneront tandis que le coût du dérèglement climatique deviendra tel qu’il sera plus rentable de réorienter les fonds vers l’économie verte.
«La finance vient de mettre l’économie mondiale au bord du gouffre. On voudrait confier à cette même finance la gestion de biens communs qui sont essentiels à la survie. Est-ce bien raisonnable ?», questionne pour sa part Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France. Mais son interrogation mérite d’être élargie à l’ensemble d’un système économique exclusivement orienté vers la consommation avec un mode de production fondé sur l’exploitation et l’épuisement des ressources naturelles.
Fabien Grasser