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Immobilier : un laissez-faire «scandaleux»

On est en 1943 lorsque le régime nazi constate dans un écrit que le marché immobilier du Luxembourg est «entièrement entre les mains de spéculateurs privés». Des initiatives politiques fortes étaient alors réclamées pour sortir de ce cercle vicieux.
L’historien Denis Scuto a fait état de cet écrit dans une chronique publiée samedi dans les colonnes du Tageblatt. Sans prendre position pour l’occupant allemand, il souligne toutefois que «même si ce texte peut sembler actuel, il a été écrit il y a plus de 75 ans». «Le monde politique s’est cantonné il y a 100 ans largement dans une approche de laissez-faire, laissez-aller et la devise reste la même aujourd’hui», ajoute Denis Scuto dans sa chronique intitulée «Histoire d’un scandale : la politique du logement au Luxembourg».
C’est pour la première fois depuis des lustres qu’un personnage public qualifie avec des mots aussi clairs une situation sur le marché du logement qui ne cesse de s’aggraver. «Après la guerre, la politique publique du logement se concentre encore davantage sur la promotion de l’accès à la propriété pour les familles nombreuses, puis, à partir de 1963, également pour les familles avec un enfant. Or, vu que les primes de construction n’étaient pas liées à l’index des prix ni aux revenus mais étaient fixes, cette mesure excluait de larges couches de la population», indique Denis Scuto. La situation n’a pas vraiment évolué ces dernières décennies, si ce n’est que les couches les plus aisées ont réussi à s’enrichir. La part des propriétaires de leur logement est passée de 49 % en 1947 à 59 % en 1981 puis 74 % en 1987. Aujourd’hui, ce sont toujours 73 % des personnes qui sont propriétaires. Le reste de la population vit une galère sans précédent.
«La crise du logement actuelle pourrait et devrait être empêchée par les responsables politiques nationaux et locaux», insiste Denis Scuto. «Les solutions sont connues. Mais ici, comme pour l’urgence climatique, le Luxembourg a besoin d’une rupture complète avec les politiques historiques de laissez-faire et les logiques néolibérales actuelles», conclut-il à juste titre.

David Marques