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La honte de l’Europe

Les Italiens avaient prévenu et n’ont pas été entendus. Lorsque l’opération Triton, menée par l’Union européenne, a succédé à Mare Nostrum, supportée par la seule Italie, le drame était annoncé.

C’était le 1er novembre dernier. L’Europe, sûre de son fait, affirmait alors que tout était sous contrôle et que les moyens déployés étaient largement suffisants. Suffisants pour quoi ? Pour empêcher l’arrivée massive de migrants étrangers, visiblement, mais certainement pas pour éviter l’inexorable drame humanitaire qui se déroule chaque jour entre les côtes africaines et celle du Vieux Continent.

Dans un cynisme total, les élus européens ont pris le risque de voir des centaines de migrants se noyer plutôt que de les accueillir sur leur sol. Et ce risque, mesuré, calculé, l’Union européenne doit aujourd’hui vivre avec. Assumer la mort de près de deux mille personnes, parmi lesquelles une majorité de femmes et d’enfants, dans les eaux glacées de Méditerranée.

Elle est belle, cette Europe guidée par les sacro-saintes données statistiques, ces économies à réaliser sur le dos des plus pauvres, toujours, pour maintenir déficits et dettes au plus bas.

Quand il s’est agi d’aller bombarder la Libye, sous l’égide de l’OTAN, en 2011, pour favoriser la chute du dictateur Kadhafi, l’argent était frais et disponible, à volonté.

Mais plutôt que de s’assurer, une fois le dictateur bouté hors de son palais, qu’une démocratie trouverait son terreau dans un pays neuf, l’Europe et ses alliés ont vite quitté les lieux pour assister à la lente montée de l’anarchie. Aujourd’hui, la Libye est devenue incontrôlable et sert aux mafias de passeurs sur la Méditerranée.

En 2011, pour six mois d’opérations militaires dans le ciel libyen, la France a dépensé 350 millions d’euros, le Royaume-Uni, 250.

L’opération Triton dispose d’un budget de 3 millions d’euros mensuels. Les Italiens dépensaient, seuls, 9 millions d’euros pour tenter de sauver les migrants chavirés. Le message est on ne peut plus clair.

Christophe Chohin (cchohin@lequotidien.lu)