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Héritage dilapidé

Elizabeth II en avait fait une règle d’or intangible : «Never complain, never explain.» La reine du silence a réussi à faire l’économie de confidences toute sa vie durant. Sa descendance nettement moins. Celle-ci parle beaucoup. Mais si les uns en disent trop, les autres pas assez. Depuis la disparition de la souveraine, la communication des Windsor laisse plus qu’à désirer. Elle donne matière à interprétation, de pure spéculation en folles rumeurs. Kate Middleton en fait actuellement l’expérience. Sa regrettable photo retouchée a déclenché ce qui est rapidement devenu le «KateGate». La tempête au départ médiatique souffle désormais un parfum de scandale au sommet de l’État.

La princesse de Galles n’est pas contrainte de se justifier ni de s’excuser, d’un point de vue protocolaire. En tentant de faire amende honorable, avançant une forme d’amateurisme, elle n’a fait qu’ajouter une nouvelle maladresse aux critiques autour du mystère de son absence prolongée de la vie publique. Pour des raisons médicales que tous ignorent et veulent savoir, supposées suffisamment sérieuses pour la soustraire à ses obligations officielles. Si les médias britanniques avaient jusqu’alors joué le jeu de la discrétion, en vertu d’un accord tacite avec la «firme», leurs rédactions sont aujourd’hui en émoi face à la manipulation d’un cliché qui cacherait bien des secrets inavouables. D’éminents journalistes d’investigation ont même été mis sur le coup. Voici le royaume puni pour se montrer si taiseux quand d’aucuns réclament une totale transparence.

Soit, et après ? Le monde n’est-il pas secoué par des crises autrement plus majeures, pour s’intéresser aux moindres faits et gestes d’une famille jugée désuète ? C’est justement le problème de cette monarchie, dont les sujets questionnent de plus en plus régulièrement l’utilité, sinon la légitimité. Plus que jamais fébrile sans celle qui a tenu le palais de manière inébranlable. Elle a légué la popularité de l’institution en héritage, que ses ayants droit dilapident trop vite. Les partisans d’une république croient voir une ambiance de fin de règne flotter au-dessus de la couronne. Du «KateGate» à un changement constitutionnel, les esprits s’emballent déjà.

Alexandra Parachini