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Grave amateurisme 

Le choix faisait craindre le pire dès le départ. Deux mois plus tard, on est fixé sur l’incompétence de Pete Hegseth, un ancien présentateur de télévision, comme ministre américain de la Défense. Alors que ce dernier avait réclamé l’incarcération d’Hillary Clinton, accusée d’avoir utilisé son compte privé pour envoyer des mails, du temps où elle occupait le poste de secrétaire d’État, ce même Pete Hegseth fait aujourd’hui comme si de rien n’était. Pourtant, il a joué un rôle important dans une des pires failles de sécurité de l’histoire des États-Unis. Le ministre a livré les détails d’une attaque prévue contre les rebelles houthis sur un groupe de discussion Signal, auquel le rédacteur en chef du magazine The Atlantic avait été ajouté par erreur. Les plus hauts responsables américains, dont Pete Hegseth, le vice-président J. D. Vance, ou encore les patrons du renseignement et de la CIA échangeaient ouvertement sur l’opération militaire programmée au Yémen sur une plateforme non sécurisée et, donc, en présence d’un journaliste.

Quelle est la réaction à cette affaire invraisemblable, qui aurait pu menacer des vies de soldats américains? Le président Donald Trump et ses acolytes ont décidé d’attaquer de front notre confrère. Ils jouent aussi sur les mots. Non, Pete Hegseth n’aurait pas partagé des «plans de guerre», mais uniquement des «plans d’attaque». Ces informations étaient pourtant classées secret-défense. Au lieu de prendre la seule décision qui s’impose – le limogeage de son ministre de la Défense – Donald Trump dénonce une «chasse aux sorcières». Affaibli, le camp démocrate peine à exercer une pression suffisante sur les auteurs de cette faille de sécurité, même si certains d’entre eux ont passé un sale quart d’heure lors d’auditions devant le Congrès.

Le scandale ne s’arrête pas là. Le magazine allemand Der Spiegel révèle que des numéros de téléphone et adresses mail privés de Pete Hegseth et Mike Waltz, le conseiller national à la sécurité, sont à retrouver librement sur internet. Il n’a encore jamais été aussi facile pour des espions d’infiltrer l’État américain. Et ce n’est certainement pas la faute de la presse, qui est pleinement dans son rôle, au contraire de la bande d’amateurs nommés par Donald Trump.