L’obsession de Vladimir Poutine pour la grande Russie, régnant sur le Vieux Continent dans le sang et la terreur, pourrait presque faire sourire. Un drôle de fantasme qui ne sort pas de nulle part. Il faut revoir Good Bye, Lenin! pour sentir un peu mieux ce parfum de nostalgie impérialiste. Le film raconte le destin d’une femme d’Allemagne de l’Est, en pleine guerre froide, glorifiant avec ferveur le régime de Moscou. Jusqu’au jour où, victime d’un infarctus, elle sombre dans un profond coma. Elle se réveille huit mois plus tard. Le mur de Berlin n’existe plus et son monde a radicalement changé. Craignant de la voir défaillir en apprenant la nouvelle, son fils dévoué rebâtit les vestiges du passé autour d’elle. Allant jusqu’à plonger les cornichons occidentaux dans les bocaux d’époque, encore remplis de la saumure soviétique.
Quand l’URSS s’effondre en 1991, on peut aisément imaginer Vladimir Poutine, petit agent du KGB sans envergure, s’endormir pour un long sommeil. Rouvrant les yeux en 1998, il ne peut que déplorer les conséquences de ce qu’il considère comme «la plus grande catastrophe du XXe siècle». La Russie n’est plus qu’un pays marginalisé, au PIB équivalent à celui de l’Espagne, lui dira plus tard Barack Obama avec le mépris infatigable des Américains. Devenu depuis ce tsar indétrônable, il estime que la patrie retrouvera son lustre d’antan. Que les nations dissidentes paieront le prix de la liberté dans le sang et la terreur. Ses obligés font bloc autour du mensonge. Mais même les plus obéissants finissent par y laisser leur peau. Ces derniers mois, au moins six oligarques – et parfois leurs familles – ont été retrouvés morts. Officiellement, ce sont des suicides. Ça tombe comme des mouches. Ces mouches que le président a promis de recracher afin de «purifier» la société russe des traîtres.
Dans Good Bye, Lenin!, la mère finit par découvrir que son fils s’efforce de transposer son impossible rêve dans une réalité moins reluisante. Capitulant face à la trahison de l’Histoire, elle rend l’âme et les armes. Le temps viendra où, de guerre lasse, lui aussi devra accepter la souveraineté des uns et les aspirations des autres. Et good bye, Poutine !
Alexandra Parachini